mardi 31 décembre 2013

Demain j'arrête, Gilles Legardinier



Comme tout le monde, Julie a fait beaucoup de trucs stupides. Elle pourrait raconter la fois où elle a enfilé un pull en dévalant des escaliers, celle où elle a tenté de réparer une prise électrique en tenant les fils entre ses dents, ou encore son obsession pour le nouveau voisin qu'elle n'a pourtant jamais vu, obsession qui lui a valu de se coincer la main dans sa boîte aux lettres en espionnant un mystérieux courrier...

Mais tout cela n'est rien, absolument rien, à côté des choses insensées qu'elle va tenter pour approcher cet homme dont elle veut désormais percer le secret. Poussée par une inventivité débridée, à la fois intriguée et attirée par cet inconnu à côté duquel elle vit mais dont elle ignore tout, Julie va prendre des risques toujours plus délirants, jusqu'à pouvoir enfin trouver la réponse à cette question qui révèle tellement : pour qui avons- nous fait le truc le plus idiot de notre vie ?

Je dois reconnaître que je suis d’accord avec Julie, l’héroïne de Demain j’arrête : le bonnet péruvien est décidément un accessoire qui ne va à personne. Si en plus, vous le combinez à une paire de lunettes qui vous fait ressembler à une grosse mouche coiffée d’un couvre-chef douteux, et que vous suivez, pour aider votre meilleure amie, un beau jogger aux allures d’espion-terroriste-voleur de haut vol au volant d’une voiture qui a du mal à ralentir sous peine de devoir la pousser, vous avez les ingrédients de ce roman qui va vous arracher des rires gênants si vous vous trouvez dans un lieu public ou que votre conjoint essaye désespérément de dormir… Attendez-vous à devoir vous justifier !

Même si j’ai préféré Complètement Cramé, Demain j’arrête est indéniablement une lecture qui fait du bien. Tout y est donc, l’humour évidemment, les beaux sentiments, une belle écriture… Gilles Legardinier est très doué pour ce type de roman, et fait preuve dans celui-ci d’une sensibilité toute féminine pour se glisser dans la peau de Julie alors qu’elle nous raconte la pire chose qu’elle a pu faire. Sensibilité, certes, mais sans moquerie. Cela va même plus loin, le pire de ce que l’on serait même capable de faire pour l’autre acquiert même des lettres de noblesses chez Legardinier. Ce qui aurait été tourné en dérision, pour ne pas dire ridiculisé par d’autres, semble tout à fait normal chez lui. Vous coincer la main dans la boîte à lettres de votre nouveau voisin alors que vous essayez de voir quel type de courrier il reçoit ? Normal… Bidouiller votre ordinateur pour que ledit voisin vienne le réparer, et que cela finisse en catastrophe nucléaire (ou presque !) ? Eh bien quoi ? Et j’en passe…

Parce qu’il faut bien le dire, Julie, ça aurait pu être moi, ou vous. Julie, c’est ce que nous sommes au fond de nous, les inhibitions en moins. Julie ose. Elle vit, et assume.

Un bon roman avec des accents de liberté pour lutter contre la tristesse de notre hiver. Mais surtout, un bon roman pour se réconcilier avec le genre humain tant il donne envie de côtoyer ses personnages. Et promis, je n’achèterai pas de bonnet péruvien, même si ça tient chaud aux oreilles !

jeudi 26 décembre 2013

Hollow, Jessica Verday



Lorsque Kristen disparaît dans d’étranges circonstances, Abbey refuse d’admettre la perte de son amie. La jeune fille rencontre alors un mystérieux garçon au cimetière de Sleepy Hollow, qui pourrait l’aider à faire son deuil… Mais la découverte d’un journal intime bouleverse toutes ses certitudes. Abbey connaissait-elle vraiment sa meilleure amie ?

Dès sa sortie, Hollow m’avait interpelée. J’aime les légendes, et je trouvais que c’était plutôt intéressant que d’utiliser celle du Cavalier Sans Tête pour en faire un roman. Sans oublier les critiques qui le comparaient à  Twilight, ce qui reste quand même une référence.

Autant le dire tout de suite, ce premier tome, qui logiquement pose les fondements de cette trilogie, est lent, très lent. L’auteur aurait pu tailler dans le vif et enlever une bonne centaine de pages. Le début est intéressant, la fin est captivante, mais le milieu… 

La douleur en est le fil d’Ariane. La perte d’un ami laisse des traces, il faut réapprendre à vivre, et c’est ce cheminement que l’on suit. Kristen a disparu, et Abbey, du haut de ses seize ans, doit se reconstruire, faire des projets, envisager l’avenir, vivre tout simplement, et sans culpabiliser. Même s'il s'agit d'une trame classique, c'est normalement un point de départ efficace, mais l’auteure s’attarde beaucoup trop dessus, tant et si bien qu’à certains moments l’ennui a pointé le bout de son nez.

Sa rencontre et sa relation avec Caspian aurait dû pimenter l’ensemble et me faire oublier le reste, mais elle manque de tension, amoureuse certes, mais pas simplement. Caspian n'a pas la carrure d'un Edward. Un mystère plane sur lui, c'est ce que l'on nous fait miroiter, sans pour autant que cela soit vraiment présent. Il est gentil, trop gentil même, pour ne pas dire qu'il manque de caractère.

Jusqu’aux 20-30 dernières pages, je dois reconnaitre que cette lecture manquait de saveur. Une histoire d’amour, ok, mais un peu plate. Un mystère ? Oui, un peu, mais pas vraiment le fil conducteur présenté par le résumé. Mais lors des dernières pages, tout s’accélère, l’intrigue, Abbey… Ce roman gentillet devenait captivant, et ces dernières pages ont presque réussi à me faire oublier les longueurs. 

Je lirai le tome 2, avec l’espoir soufflé par ces dernières pages : que le rythme, le mystère, et les frémissements dus à cette relation prometteuse soient au rendez-vous, que ce qui a été esquissé lors de cette dernière partie se concrétise, pour faire de ce quelque chose de prometteur, une réussite.

samedi 21 décembre 2013

¡Muuuu ! (Meuhh ), David Safier



(Résumé personnel) Lolle traverse une mauvaise passe : elle a non seulement découvert que son taureau bienaimé la trompe, mais également que le fermier veut vendre la ferme et que toutes les vaches du troupeau finiront entre deux tranches de pain. Mais il y a encore de l’espoir, un chat italien globetrotteur lui révèle qu’il existe un paradis pour les vaches : l’Inde. Lolle entreprend donc un long périple vers cette terre promise.

Si nous récapitulons le bestiaire de ce blog, nous avons déjà parlé de moutons (ici), d’un chat et d’une mouette (ici). Maintenant,  nous allons aborder les vaches, et de préférence, les vaches laitières qui ont des tâches noires, même si celles qui ont des tâches marron sont aussi acceptées.

Quel pari que celui d’oser donner le premier rôle d’un roman à une vache ! Mais quel pari réussi ! C’est en virtuose que David Safier distille humour et regard porté sur le monde. 

Dès les premières pages, tous nos repères s’effondrent, exit l’humain et bonjour le bovin, car c’est avec les yeux de Lolle que vous découvrez le monde. Il faut un certain temps pour s’y habituer, et derrière chaque sourire provoqué par des pensées incongrues ou des situations ridicules, se cache une réelle réflexion sur ce qui nous entoure.

L’auteur crée un véritable univers pour nos héros. Tout y est, des relations sociales, amoureuses, les croyances / religions sur lesquelles se construit toute société, la culture avec des chansons revisitées (le « Copa Vaca Banana » est succulent, et le « Pou pou pidou » génialissime lorsque l’on imagine une vache se trémoussant, cet air au bout des lèvres pour séduire l’élu de son cœur), l’idéal, le but  que l’on veut atteindre dans notre vie, cette place que l’on cherche tous. Tout est passé en revue, de la haine à l’amitié, en passant par la jalousie, l’amour, l’homosexualité, le racisme, la maternité et sa nuée de questions.
  
Et l’absurdité de notre monde de bipèdes saute aux yeux, déshumanisé, froid, avide, cupide.  

David Safier, ce n’est pas que de l’humour, loin de là. Dans Muuu, il nous livre un véritable miroir de ce que nous pourrions être, et ces vaches, qui ont pourtant la bouse facile, m’ont donné envie de rejoindre leurs rangs, et d’affronter des océans, des catastrophes aériennes, des chiens enragés, et même le Yéti pour trouver ce paradis perdu que nous avons tous au fond de nous.

Une vraie réussite que ce livre ! Guettez sa sortie française, ne passez pas à côté !

samedi 14 décembre 2013

La dernière duchesse, Daisy Goodwin



Cora Cash est belle, pleine d'esprit, et à la tête d'une fortune colossale. Mais sa mère rêve de la seule chose qu'elle ne pourra pas lui acheter en Amérique : un titre de noblesse. Envoyée de l'autre côté de l'Atlantique, la jeune femme fait forte impression auprès de la bonne société anglaise et trouve un bon parti ; un séduisant duc dont la propriété tombe en ruine. Dans les courants d'air qui traversent les somptueuses demeures de l'aristocratie, la délicieuse Américaine a tôt fait de déchanter. Cet univers impitoyable regorge de pièges et de trahisons qui risquent fort de provoquer sa chute. Pour y échapper, l'enfant gâtée va devoir se métamorphoser en femme accomplie.

Voilà une lecture qui malheureusement ne laissera pas de trace dans ma mémoire. Est-ce à dire qu’il s’agit d’un mauvais  livre ? Non, cela ne va pas jusque-là. Juste que je ne m’attendais pas à cela.

Le résumé m’avait fait miroiter les beaux sentiments liés à une romance, et force est de constater que même si cela tourne autour du mariage de Corah et Ivo, puis de leur vie de couple, il n’y a pas vraiment eu de quoi faire frémir mon petit cœur. Très peu de scènes tendres, même la demande en mariage a été dénuée d’émotions, pas de scène pour vous émoustiller, rien de tout cela. Les personnages sont assez fades, pour ne pas dire antipathiques en ce qui concerne Corah et sa mère (j’aurais apprécié, clin d’œil à Jane Austen, une touche d’humour pour ce personnage qui aurait pu être haut en couleurs), et les histoires parallèles (Bertha et Jim notamment) ne sont pas assumées jusqu’au bout.

Mais qu’est-ce qui le sauve d’être un mauvais livre ? Sans doute l’aspect historique, qui lui, m’a vraiment intéressée et a fait que je ne me suis pas ennuyée. L’opposition franche Nouveau Monde / Europe, l’aristocratie anglaise et toute sa pédanterie, les relations humaines –anglais / américains évidemment, mais également noirs / blancs - aussi bien en Amérique qu’en Angleterre, l’arrivée de la modernité, le combat pour préserver ses traditions face à cette même modernité, autant de points qui ont attiré mon attention, et qui ont rendu cette lecture agréable malgré tout.

Mais vous l'avez compris, si vous voulez de la romance, passez votre chemin...

samedi 7 décembre 2013

La Porte des Enfers, Laurent Gaudé



Au lendemain d'une fusillade à Naples, Matteo voit s'effondrer toute raison d'être : son petit garçon est mort. Nuit après nuit, à bord de son taxi vide, il s'enfonce dans la solitude et parcourt au hasard les rues de la ville. Un soir, dans un minuscule café, il fait la connaissance du patron, Garibaldo, de l'impénitent curé don Mazerotti, et surtout du professeur Provolone, personnage haut en couleur, aussi érudit que sulfureux, qui tient d'étranges discours sur la réalité des Enfers. Et qui prétend qu'on peut y  descendre...

Le mythe des Enfers est bien connu de tous, et en a inspiré plus d’un. Laurent Gaudé le revisite dans cette version moderne aux doux accents de « l’Enfer de Dante » ou du « mythe d’Orphée », et  en prenant comme point de départ le drame le plus destructeur qui soit, la perte d’un enfant. 

A partir de là, et dans une narration double, alternant chapitres au passé (1980, l’année du drame) et au présent (2000, le présent de l’un des héros), il explore, de sa plume alerte mais pleine d’une sensibilité qui sonne toujours juste, l’intimité de l’humain, sa tristesse, son deuil sans fin, son désir de revanche, l’éloignement, puis la séparation parce qu’on ne sait plus qui est l’autre, on ne sait plus qui ont est. 

Ce roman atypique, qui mêle réalité et fantastique sur fond d’Italie et de mafia, n’est pas un roman noir. Non, c’est avant tout une véritable ode à la vie, à l’amour familial, à l’amour tout court. C’est l’histoire de l’amour, de résurrections.  C’est un appel à la mémoire, pour que nos chers disparus, part entière de nous-mêmes, ne sombrent pas dans l’oubli. C’est un rappel de ce que nous sommes. 

Il fait de cette histoire individuelle, une histoire universelle. 

C’est l’un des plus beaux romans qu’il m’ait été donné de lire. Il m’a bouleversée, mais surtout, au gré des rencontres de Matteo avec des personnages en marge de la société, mais ô combien attachants, au gré des surprises qui m’attendaient à chaque nouvelle page, il m’a apaisée.  Et la fin… Ma gorge se serre encore rien que d’y repenser…