vendredi 31 janvier 2014

Marina, Carlos Ruiz Zafón



Au fil d'une promenade dans les vieilles rues de Barcelone, Oscar rencontre la jolie et mystérieuse Marina. Liés par un amour de plus en plus fort, les adolescents n'ont peur de rien, pas même de suivre une femme au comportement bizarre... Qui est-elle ? Pourquoi se rend-elle sur une tombe gravée d'un papillon noir ? Voilà Oscar et Marina lancés dans une aventure inoubliable à travers la ville, pour élucider une énigme vieille de plus de trente ans..

Il est des auteurs qui ont le génie d’insuffler un souffle à un lieu, qui ont une telle force dans l’écriture que les mots prennent vie et se mettent en mouvement dans un ballet d’images d’une précision incroyable. Carlos Ruiz Zafón en fait partie pour moi. Une fois l’ouvrage terminé, me restent des sensations, des impressions, des scènes dont je crois avoir été témoin alors qu’elles ne sont que le fruit de ma lecture. Vous l’avez compris, je suis conquise, et ce n’est pas la première fois, par cet auteur espagnol qui a le don de faire de Barcelone un personnage à part entière.

Ce roman classé en littérature jeunesse (qui n’a de jeunesse que l’âge des protagonistes, et qui devrait être réservé à un public assez averti, non pas à cause des scènes de violence, mais des thématiques / mythes abordés, et du talent de sa plume), m’a fait pénétrer dans un univers qui m’a semblé être hors du temps, déconnecté de notre réalité, de la réalité de la Barcelone que je connais.

Les personnages, complexes, ont un lourd passé, et je n’ai pu que m’attacher à Germán, sorte d’artiste maudit qui sombra lorsque la maladie lui enleva l’amour de sa vie, à Marina, qui lutte pour rester debout, adulte avant l’heure par la force des choses, et à Oscar, l'adolescent qui deviendra homme devant la férocité de l’histoire. 

Marina et Oscar, alors que s’éveillent leurs sentiments, se trouvent plongés dans un mystère vieux de 30 ans, où se confondent habilement passé et présent, et où l’horreur de l’être humain côtoie l’amour absolu. Que ferait-on par amour ? Y-a-t-il des limites à ne pas franchir ? Les réponses vous surprendront, Carlos Ruiz Zafón se joue des mythes pour créer sa véritable histoire.

Mais ce mystère, passerait presque inaperçu si ce n’était l’atmosphère noyée dans la brume de cette Barcelone qui est capable de vous prendre dans ses bras pour vous bercer de son amour, ou de vous acculer au fond d’une ruelle pour vous dissimuler ses sombres secrets et desseins. Multifacette, Barcelone se construit, respire, vit au fil des pages, et le rythme de ma respiration a suivi le cours de l’action, tantôt calme, souvent saccadé, parfois coupé…

Je suis encore habitée par ce monde qui frôle l’onirisme, rêve ou cauchemar qui m’a tenue éveillée alors que la fatigue voulait m’étreindre. Comme souvent, un seul regret, de ne pas avoir d’autres ouvrages de Zafón dans ma PAL, pour goûter de nouveau à sa magie.

dimanche 26 janvier 2014

Psi Changeling, Tome 1 « Esclave des sens », Nalini Singh

Dans un monde où les émotions sont interdites, les Psis punissent toute forme de désir. Sascha Duncan fait exception à la règle. Lucas Hunter est un métamorphe avide de sensations. Il est bien décidé à trouver le meurtrier qui a tué sa compagne de meute. Sascha sera son ticket d entrée... Il découvrira vite que cette Psi en apparence froide comme la glace est capable d'éprouver des émotions... et qu elle fascine l'animal en lui. Pris au milieu de leurs deux univers en conflit, Lucas et Sascha doivent jouer leurs rôles... ou tout sacrifier pour goûter au plaisir interdit.

Décidément, Nalini Singh est l'une de mes auteures préférées d'Urban Fantasy. Elle réussit là où la plupart échoue en créant de toutes pièces un univers unique et original. Sa saga Chasseuse de Vampires, dont j'ai lu les deux premiers tomes -, m'avait envoûtée, et me voilà désormais sous le charme de Psi Changeling.

Certains classent cette saga dans la romance paranormale, et c'est à mon avis, un peu réducteur. Certes, s'en est le fil conducteur, mais ce n'est pas que cela. 

L'auteure situe les faits dans un futur plus ou moins lointain, où cohabitent trois espèces -les humains, les changeling (métamorphes) et les psis. Dans cet univers, les plus faibles ne sont pas forcément ceux que l'on croit. Les humains et les Changeling ont un point commun, une tare qui les empêche de dominer le monde: les sentiments. En effet, le peuple superieur absolu, celui que rien ne pourrait contrer, serait, selon eux, celui qui en est dénué. Et c'est au prix d'une sélection impitoyable que les plus faibles -ou les trop différents- ont été éliminés, pour donner naissance au peuple parfait -les Psi, dotés de pouvoir psychiques- du moins en apparence, car rien n'est jamais vraiment parfait. 

Et de la rencontre entre un changeling -dominant mais pas macho, meurtri mais pas instable, Lucas est un personnage très attachant- et une psi, naîtra l'amour, et un changement dans l'ordre établi.

Nalini Singh nous plonge dans le cœur de cet univers qu'elle a imaginé dans les moindres détails, avec ses connections, ses intéractions, ses forces, ses failles, et peint sur la toile cette histoire d'amour née des différences. Ponctuée de scènes sexys, mais jamais vulgaires et jamais gratuites, la fluidité de sa plume m'a entraînée dans cette aventure que je n'ai pu lâcher. Elle a su dessiner un univers complexe, profond, que l'on s'approprie facilement, et qui m'a complètement happée. Je garde encore en mémoire les images des lieux, des personnages tant tout ceci est bien élaboré.


Une fois refermé ce premier tome, la curiosité est toujours bel et bien présente même si elle est désormais teintée de craintes: l'effet de surprise passé, qu'en sera-t-il du tome 2 ? Réponse sous peu !

jeudi 23 janvier 2014

Mapuche, Caryl Ferey






Jana est Mapuche, fille d’un peuple indigène longtemps tiré à vue dans la pampa argentine. Rescapée de la crise financière de 2001-2002, aujourd’hui sculptrice, Jana vit seule à Buenos Aires et, à vingt-huit ans, estime ne plus rien devoir à personne.
Rubén Calderon aussi est un rescapé un des rares « subversifs » à être sorti vivant des geôles clandestines de l’École de Mécanique de la Marine, où ont péri son père et sa jeune sœur, durant la dictature militaire.
Trente ans ont passé depuis le retour de la démocratie. Détective pour le compte des Mères de la Place de Mai, Rubén recherche toujours les enfants de disparus adoptés lors de la dictature, et leurs tortionnaires...
Rien, a priori, ne devait réunir Jana et Rubén, que tout sépare. Puis un cadavre est retrouvé dans le port de La Boca, celui d’un travesti, « Luz », qui tapinait sur les docks avec « Paula », la seule amie de la sculptrice. De son côté, Rubén enquête au sujet de la disparition d’une photographe, Maria Victoria Campallo, la fille d’un des hommes d’affaires les plus influents du pays. Malgré la politique
des Droits de l’Homme appliquée depuis dix ans, les spectres des bourreaux rôdent toujours en Argentine. Eux et l’ombre des carabiniers qui ont expulsé la communauté de Jana de leurs terres ancestrales...

Cela faisait très longtemps que je n’avais pas lu de thriller. A dire vrai, cela peut même se compter en années, et honnêtement, n’eût été le titre et la thématique du roman de Caryl Ferey, je ne sais pas si j’aurais renoué avec ce genre, du moins à ce moment précis. 

L’on ignore bien souvent le passé des autres, tout au plus connaît-on des bribes du passé de notre propre pays. La Seconde Guerre Mondiale, les camps de concentration et son lot d’atrocités : voici ce qui bien souvent définit pour nous la face noire de l’humanité. Mais on oublie que cette humanité ne se réduit pas à la France ou à l’Europe. 

De l’Amérique Latine, ne filtrent que les quelques infos distillées par la presse. Des dictatures ? Castro ? -Peut-être…Pinochet ? -Éventuellement, c’est un nom que l’on a pu entendre. Jorge Rafael Videla ? – hein ? Quoi ?

Si l’on y réfléchit bien, cet oubli est d’ailleurs dramatique. On vit dans une société égoiste, nombriliste, qui a déjà du mal à régler ses comptes avec elle-même. Alors ceux des autres… Et l’Argentine est loin d’avoir réglé ses comptes avec son passé, d’autant plus que celui-ci est proche, très proche (1976-1983). C’est un pays qui se reconstruit, tant bien que mal, qui tente de faire face, mais il y a tellement de zones d’ombre, d'horreurs, qu’il est difficile de savoir par où s’y prendre. On ne peut faire table rase du passé.

Caryl Ferey nous entraîne dans la noirceur de cette Argentine contemporaine qui ne sait pas comment panser ses blessures. Tandis que certains veulent oublier –bourreaux et victimes-, d’autres demandent réparation –familles des victimes (Mères de la Place de Mai), victimes elles-mêmes -, ce que le gouvernement n’est pas en mesure de leur donner pour le moment. L’ombre des vivants (les tortionnaires) est là, tout comme celle des desaparecidos (les disparus). 

A l’image de Paula, l’un des travestis du roman, le pays tâtonne dans son appréhension de ce temps pas si révolu que cela.  Le portait que nous dresse l’auteur est sanglant, violent, sans complaisance, à l’image de ces écorchés vifs qui déambulent au fil des pages. 

Âmes sensibles s’abstenir, c’est un roman percutant, où rien n’est gratuit, jamais occulté. Caryl Ferey énonce les choses, les faits, sans fioritures.  Les mots sont durs, aussi dure que cette réalité, part entière de la société. 

Mais à travers ces ténèbres, une lueur d’espoir : l’histoire d’amour qui répare, qui fait avancer. L’amour qui fera renaître de ses cendres l’Argentine, et réconciliera les peuples. Et la plume de Caryl Ferey, si rude, revêt des tons de velours et nous embrasse de sa douceur. J’ai suivi cette lumière tout au long du roman, elle m’a donné de l’air, fait respirer, m’a donné la force de poursuivre, parce que l’avenir est amour…

Un roman magistral (un grand bravo pour le travail de documentation), pour lequel je n’aurais qu’un seul regret : le titre. Il m’avait laissé croire que nous allions nous immerger dans les communautés indigènes (les Mapuches), alors qu’on ne fait que les frôler du doigt avec le personnage de Jana. Mais quel personnage… Alors finalement cela n’a pas d’importance. C’est un roman dont je ne suis pas sortie indemne. Véritable drogue… Malgré sa rudesse, je n’ai pu le lâcher.

vendredi 17 janvier 2014

Billie, Anna Gavalda


Franck, il s'appelle Franck parce que sa mère et sa grand-mère adoraient Frank Alamo (Biche, oh ma biche, Da doo ron ron, Allô Maillot 38-37 et tout ça) (si, si, ça existe...) et moi, je m'appelle Billie parce que ma mère était folle de Michael Jackson (Billie Jean is not my lover / She's just a girl etc.). Autant dire qu'on ne partait pas avec les mêmes marraines dans la vie et qu'on n'était pas programmés pour se fréquenter un jour...

Non seulement Franck et Billie n'étaient pas programmés pour fredonner les mêmes refrains, mais en plus, ils avaient tout ce qu'il faut en magasin pour se farcir une bonne grosse vie de merde bien ficelée dans la misère - misère physique, misère morale et misère intellectuelle. Vraiment tout. Et puis voilà qu'un beau jour (leur premier), ils se rencontrent.
Ils se rencontrent grâce à la pièce On ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset. Billie a été tirée au sort pour jouer Camille et Franck, Perdican.

Je l’avoue, je n’ai acheté ce roman que pour sa couverture que je trouvais rigolote et attendrissante. L’absence de résumé a achevé de me séduire, une aura de mystère entourait ce livre au petit âne. Qui était Billie ? Un âne (quand on a lu des romans sur les vaches, les mouettes, les chats, on ne s’étonne plus de rien…) ? Pas du tout.

Billie c’est…Billie… Pour le découvrir, il faut ouvrir ce petit livre, pousser la porte et entrer dans son univers, parce que vous voyez, Billie, elle a décidé de nous raconter son histoire.

Enfin, pas vraiment à nous, parce qu’elle ne s’estime sans doute pas digne d’être un personnage de roman, mais à une petite étoile, tout là-haut, leur étoile, même si elle sait pertinemment que les étoiles ne sont que les résidus d’elles-mêmes. Mais quand même, cette petite étoile, un peu à l’écart, elle veille sur elle. Et sur Franck. Alors, elle lui raconte son histoire, leur histoire.

Billie, j’ai honte de le reconnaître, c’est la personne que j’aurais ignorée à l’école, parce que pas assez ci, trop ça, en somme, trop différente. Des « Billie », on en croise tous les jours, sans oser les regarder, ou alors avec un sourire moqueur au bord des lèvres, parce que nous, on n’est pas comme cela. Nous, on est propre sur nous, on parle bien, on a des amis.

Billie, c’est quelqu’un de vrai, d’authentique, d’entier, un véritable coup de poignard dans mon cœur. Quel courage, quelle force… C’est quelqu’un qui vous donne envie d’y croire.

Son histoire avec Franck ? La rencontre de deux marginaux, de deux âmes meurtries, qui évoluent dans notre monde sans trop savoir pourquoi. De leur rencontre naîtra la survie. Parce que c’est ça Billie, une histoire de survie.

Anna Gavalda a pris beaucoup de risques avec ce roman. Billie a un langage vrai, celui de la rue, celui de celle qui a très peu été à l’école. Elle manie les mots qui lui parlent -même si, à travers la plume de l’auteure exsude toute la finesse du personnage-, et ce langage peut lasser. Ça m’est arrivé, mais à chaque fois, la force de l’histoire m’a rattrapée. Parce que Billie, c’est  une histoire qui m’a transpercée, qui m’a arraché des sourires, des larmes, qui m’a étreint le cœur. Et moi aussi j’aimerai bien adopter un petit âne…

samedi 11 janvier 2014

Hollow, tome 3 Hidden, Jessica Verday



Abbey et Caspian sont liés l'un à l'autre par l'histoire de Sleepy Hollow malheureusement, certains en ont décidé autrement. Alors que la date très attendue du 1er novembre approche, Abbey est confrontée à un dilemme de taille : entre son amour pour Caspian et sa propre vie, elle devra choisir. Si elle s'y refuse, les conséquences seront fatales.

Voilà, ma lecture du tome 3 est terminée, l’histoire d’Abbey et Caspian appartient désormais au passé.

Cette saga est comme le bon vin, elle s’améliore en vieillissant, ou plutôt au fil des tomes. Les défauts du tome 1 semblent loin, l’auteure a été vraiment inspirée dans ce dernier pan de leur histoire, et le clôt d’une façon, sinon magistrale, du moins réussie.

Notre couple maudit avance, des échéances approchent, apportant avec elles leur lot de conséquences, le fameux effet ricochet.  Ils sont à un carrefour de leur vie, - dans tous les sens du terme-, et doivent choisir leur chemin. Ensemble ? Grandir ? Vivre ? Mourir ? L’éventail de leurs choix est vaste, mais finalement, il n’y en a qu’un de possible.

Tout ceci peut sembler bien fade ou bien peu original, dans la lignée de Twilight… Encore Twilight… Ce n’est pas faux. Mais une fois que l’on a assumé que le schéma de Twilight a marqué le genre, que l’on trouvera forcément des similitudes dans la plupart des ouvrages appartenant au Young Adult, le regard porté sur Hollow change. C’est une jolie histoire, proche d’un conte parfois, bien écrite, avec des personnages attachants -même si le constat est toujours le même pour Caspian- et dont les pages défilent sans peine.

Seul reproche, ne pas avoir davantage creusé la piste de Sleepy Hollow. On serait passé de « jolie » histoire à un « wouah » retentissant !