mercredi 23 avril 2014

M. Pénombre Libraire ouvert jour et nuit, Robin Sloan



Clay Jannon, webdesigner, se retrouve au chômage quand la récession frappe San Francisco. Le hasard le mène jusqu'à la librairie de l'étrange M. Pénombre, ouverte 24 heures sur 24, où il est embauché pour le service de nuit. Il découvre un lieu aussi insolite que son propriétaire, fréquenté par les membres d'un drôle de club de lecture. Ceux-ci débarquent toujours au milieu de la nuit, vibrant d'une impatience de drogués en manque, pour emprunter l'un des très vieux et très poussiéreux volumes relégués sur les hautes étagères du fond de la boutique. Volumes que, justement, M. Pénombre a formellement interdit à son nouvel employé de consulter. Clay finit pourtant par succomber à sa curiosité et découvre que ces livres sont tous écrits en code. Quelle obscure révélation renferment-ils ? 
 
Une libraire ouverte jour et nuit, 24h/24… Intéressant n’est-ce pas ? Idéale pour nos fringales livresques nocturnes, quand il nous faut absolument CE livre qui évidemment ne siège pas dans notre PAL… Quoique, vous n’êtes pas sûr de le trouver dans cette librairie, parce que, vous vous en doutez, il ne s’agit pas d’une librairie comme les autres, et M. Pénombre n’a rien d’un libraire ordinaire.

Clay Jannon est un jeune geek-webdesigner talentueux, mais sans emploi. La crise est là, et comme tout le monde, il doit payer un loyer pour vivre. Alors, il répond à une drôle d’annonce, celle de M. Pénombre qui recherche un libraire de nuit. Les livres, Clay connait. C’est un passionné de Fantasy, mais les ordinateurs l’ont quelque peu détourné de ces objets à l’odeur particulière.

Il rencontre M. Pénombre, son énigmatique patron, qui lui donnera comme seule consigne de noter dans le détail toutes les visites nocturnes, si rares soient-elles, dans un cahier. Clay apprendra rapidement que dans ce métier, le plus important est de savoir monter vite et bien (c’est moins dangereux !) aux échelles qui lui permettent de dénicher d’étranges volumes provenant de hauts rayonnages tout aussi étranges.

Et si la curiosité est un vilain défaut, il est souvent difficile d'y résister, surtout lorsqu'on n'a rien à faire. Clay se rend vite compte, que dans ces rayonnages, dans ces livres qu’il n’a pas le droit d’ouvrir, se tient un mystère d’éternité, qui pourrait bien coûter la vie à son patron. Voilà donc le point de départ de cette folle aventure, qui mêle tradition, modernité, et qui veut démontrer que loin de sonner le glas des livres, les nouvelles technologies peuvent même en être un digne pendant.

Sans avoir été une lecture inoubliable, qui m’aurait fait changer d’avis sur les liseuses par exemple (je sais, il ne faut pas dire « Fontaine je ne boirai pas de ton eau »), j’ai passé un très agréable moment de lecture. Les personnages auraient gagné à être davantage étoffés, mais Clay a un sens de l’humour qui fait mouche et son équipe, tellement disparate, est une belle réussite. 

Ce roman d'aventures est assez court, efficace, rythmé, et certains passages sont effarants de réalisme. L’auteur connait et maîtrise son sujet, et si la description de l’univers de Google, de son campus, ne manquera pas d’enthousiasmer certains, elle m’a fait froid dans le dos… Tant de pouvoirs concentrés en une seule entité...Brrrr...

dimanche 20 avril 2014

Indécise, S.C. Stephens

Depuis près de deux ans, Kiera a une relation amoureuse paisible avec Denny, garçon tendre, beau et dévoué. Une vie de couple parfaite s’annonce. Mais rien n’est jamais si simple en amour...

Lorsque Denny obtient le job de ses rêves, Kiera le suit à l’autre bout du pays et poursuit ses études. Ils sont alors en colocation avec Kellan, star locale de rock et incorrigible tombeur. Kiera, serveuse au Pete’s, bar dans lequel le groupe joue, est troublée par ses regards appuyés, au point que son petit ami lui semble bien fade. Denny, garçon studieux et stable, ne manque pourtant pas de qualités. Mais il doit partir deux mois pour son travail et c’est alors Kellan qui console Kiera. En ami… Une amitié qui aide la jeune femme à supporter la solitude. Mais en une nuit, tout va basculer et aucun des trois n’en sortira indemne. 

Comme beaucoup de monde, je manque de temps. Cela va même plus loin, je cours constamment après ce sablier qui s'écoule, dans un combat que, malheureusement, je sais perdu d'avance. La vie est là, bien réelle pour tous, le travail ou les études, le mari ou le petit-ami, les amis, les courses, ce quotidien chronophage, qui, même si on l'adore, même si on ne l'échangerait pour rien au monde, empêche parfois de nous immerger complètement dans un ouvrage, et de s'y perdre des journées entières.

Pour moi, cela peut être frustrant, très frustrant même quand je suis prisonnière des pages d'un livre, lorsque mon cerveau oscille entre monde réel et imaginaire, lorsque je sens qu'il se déconnecte pour s'ébattre dans cette bulle de fiction.

La raison est là, quoique vacillante parfois -ce qui me faire éteindre la lumière bien plus tard que je ne le devrais- mais là quand même. Alors je vole des moments de lectures. Au petit-déjeuner, en me brossant les dents, en restant aux toilettes (à ne pas confondre avec le livre-toilettes, entreposé-là parce qu'il m'a fait sombrer dans l'ennui...) pendant plus de 15 minutes (oui, oui...) et en criant à Doux-Chéri qui m'appelle « je suis aux toilettes ! », l'excuse suprême, celle qui me laisse du temps, juste un peu de temps,  pour retrouver mes personnages.

Comme je l'ai déjà dit, pas de genre particulier, juste un ressenti, une réception d'émotions qui se fait ou pas. Mémé de Philippe Torreton a été un livre de moments-volés. Indécise, qui n'entre pourtant pas la même catégorie, en a été un aussi, mais beaucoup plus retors, parce qu'il est épais... et qu’il m'en a fallu des moments-volés pendant ces deux jours pour en voir le bout.

On est pourtant de prime abord en plein cœur de l'océan des clichés : la jeune femme ordinaire, et le chanteur de rock... Mais comme on dit, c'est dans les vieilles marmites qu'on fait la meilleure soupe. Pas besoin d'être original pour que cela soit bon. L'auteure a bien su doser ses ingrédients pour nous livrer un produit savoureux, et nous plonge avec habilité dans l'exploration de l'humain, et de ses sentiments les plus inavouables.

J'ai détesté Kiera. J'ai détesté ce personnage qui ment, qui se ment, qui manipule, qui trompe... Mais je l'ai adorée, parce que personne ne peut dire «Fontaine je ne boirai pas de ton eau », et que finalement Kiera, c'est ce que nous pourrions tous être si une rencontre bouleversait notre vie. Qui peut prétendre qu'il serait droit ? Qui peut prétendre qu'il serait honnête alors que ses sentiments sont bouleversés ?

J'ai plaint Denny et Kellan... Mais je les ai aimés aussi, pour leurs faiblesses, pour leur patience (avec évidemment une nette préférence pour Kellan!), pour leur pardon, parce que c'est ce qui définit l'amour.

C'était osé de la part de l'auteure que d'explorer cette facette de l'humain, peu conventionnel aussi dans une histoire d'amour, mais la vie est ainsi, et même si la fin était prévisible, les pages ont défilé à la vitesse d'un TGV, et j'ai frémi, une nuée de colibris s'est éveillée dans mon ventre et a dansé sur un rythme endiablé, j'ai détesté aussi, et j'ai adoré détester...

Et la dernière page tournée, j'aurais voulu avoir d'autres moments-volés.


mardi 8 avril 2014

Mémé, Philippe Torreton

Je dormais près de mémé. J'étais petit, un bésot, et après des semaines d'hôpital, de peau grise et fatiguée, les docteurs ayant jugé que le danger était loin, le loup parti, je pouvais réapprendre à me tenir debout et profiter enfin des jouets qui s'accumulaient sur ma table de chevet. Mes parents m'ont confié à mémé, à charge pour elle de remettre des couleurs dans mes pupilles, du solide dans le ventre, de la confiance dans les bras et de l'impatience dans les jambes.

Je trouvais étrange, alors que j'étais enfant, que les grand-mères de mes amis soient des «mamies », parce que moi, j'avais des « mémés », Mémé Jeanne et Mémé Simone. Le terme de Mamie sonnait très distingué à mes oreilles. Elles devaient vivre en ville leurs mamies, parce que les miennes, c'étaient des mémés, et des mémés, dans ma tête d'enfant, ça ne pouvait vivre qu'à la campagne.

Mémé Simone nous a quittés alors que j'étais en plein cœur de l'enfance. Au-delà de la tristesse, je me souviens surtout d'avoir vu mon père pleurer. Pudique, il sanglotait en faisant les cent pas dans le salon, tandis que moi, je petit-déjeunais dans la cuisine. Ce jour-là, l'enfance ne me protégea pas et une profonde tristesse éclata dans ma poitrine, parce que mon père, pourtant si dur et rigide, mais que j'adorais, pleurait. Un papa, ça ne pleurait pas dans ma tête.

Je ne reverrai ses larmes qu'une fois. Pas de vrais sanglots comme lorsque mémé Simone s'est éteinte, non. Des larmes discrètes, comme mon père, qui perlaient au coin de ses yeux alors que je le serrais fort dans mes bras. J'avais trente ans passés, et j'aurais voulu remonter le temps pour être encore une petite fille. Une semaine après, ses yeux se fermaient pour toujours, et son souffle de s’égrainer pour disparaître.

Mon père, cette homme si effacé, traumatisé par l'Histoire même s'il ne nous révéla jamais la sienne, aimait profondément sa mère, ma mémé Simone, que je ne connus que trop peu, mais dont je garde le sourire attendri de ces vacances aux relents de liberté à travers les vignobles du Sancerrois.

Mais ma mémé Jeanne...

C'est elle que j'ai voulu retrouver dans ce Mémé de Philippe Torreton, parce que moi aussi j'ai eu une mémé qui aurait mérité qu'on écrive pour elle et sur elle. Ma mémé, c'était la bonté incarnée, une personne comme il n'y en a plus.

C'est un récit décousu, celui de la mémoire qui s'élève, virevolte, se pose, et repart pour ressusciter tel ou tel événement, anodin ou non, qui a ponctué sa vie. On sent Philippe Torreton ému, et je n'ai pu que partager cette émotion qui vous prend aux tripes lorsque vous vous remémorez un être que vous avez aimé, qui a été un pilier de votre vie et les fondations de ce que vous êtes.

C'était sa mémé normande, au sac plastique multifonction et à la table en formica, qui portait les siens à bout de bras. Femme courage comme tant d'autres oubliées de l'Histoire... Son petit -fils lui offre le plus bel hommage qui soit, celui de l'amour. 

Elle peut en être fière.

Ma mémé Jeanne avait elle-aussi une table en formica, appuyée contre une porte -sa cuisine était vraiment petite- qui dissimulait un placard-débarras, et qui était veillée par ses gardiens de toujours, le frigo dont la porte s'ouvrait avec une pédale, et le poêle. Et en face, pour lui faire la conversation, l'évier-douche-baignoire, d'où ne sortait que de l'eau froide, et la gazinière où elle me préparait les meilleures pommes dauphines du monde et où je trempais mon pain dans le jus au beurre dans lequel elle avait fait revenir la viande qu'elle allait acheter chez le boucher. Toujours la plus tendre, s'il vous plait. Mes premiers kilos sur les hanches sont sans doute dus à ces mouillettes que le passage de l'enfance à l'adolescence ne pardonne pas.

Sa petite maison était loin d'être un palace : une chambre qui donnait sur la grand rue m'accueillait pendant les vacances, voisine du boulanger qui mettait son pétrin en branle à 3 heures le matin, et sa propre chambre qui faisait office de salon-salle à manger, et où la nuit trônait un pot de chambre jaune, parce qu'il fallait traverser la cour pour aller aux toilettes chez Mémé Jeanne, et que la nuit, les chouettes aimaient s'exprimer et les chauves-souris s’empêtrer dans les cheveux des petites-filles.

La mémé de P. Torreton n'était pas la mienne, évidemment, la mienne était berrichonne -ce détail a son importance !- mais j'ai suivi les pérégrinations de l'esprit de cet adulte-enfant avec plaisir, et en refermant ce petit bijou d'une sensibilité à fleur de peau, j'ai eu envie de lui parler de ma mémé, parce qu'il aimait tellement la sienne, que je suis sûre qu'il m'aurait comprise. 

Mémé, tu me manques, j'espère que tu as réussi à convaincre Papa de jouer à la belote là-haut et que vous avez trouvé un 4ème joueur, même si tu savais jouer à trois, mais ce n'était pas pareil...



PS : En écrivant cette chronique, je n'ai pu que penser à ma mère, digne fille de ma mémé Jeanne, qui, lorsque ma nièce est née, sa première petite-fille donc, ne voulait pas qu'elle l'appelle Mémé, parce que vous comprenez, cela faisait « vieux », et c'était une grand-mère jeune. Mais non, elle dut s'y résigner, une moue boudeuse au bord des lèvres et un haussement d'épaules qui disait « que voulez-vous, c'est comme cela ». Ma mère a été une mémé, elle-aussi, et une mémé formidable, même si cela a été trop court...

dimanche 6 avril 2014

Loin de tout, Jessisa Ann Redmerski

Après avoir perdu son premier amour dans un accident, Camryn, 20 ans, plaque tout pour partir à l’aventure. C’est alors qu’elle rencontre Andrew, qui n’a pas été épargné par la vie lui non plus. Camryn a beau s’être juré de ne plus jamais tomber amoureuse, l’amour se révèle à elle sous de multiples facettes au cours de ce voyage. Un road trip improvisé qui marque le début d’une nouvelle existence exaltante. Mais l’insaisissable Andrew cache un secret qui peut les lier à jamais ou les détruire pour toujours…

Il est des moments importants, qui nous absorbent et nous tiennent écartés de l'extérieur, des moments où la vie nous rattrape et où elle va plus vite que nous.

Ces dernières semaines ont été agitées, un déménagement, changement de décor, beaucoup de travail, tant professionnel que personnel, beaucoup de soucis. Mais ça y est, c'est fait, ces instants difficiles sont derrière nous, et une nouvelle page apparaît, pleine de bonheur j'espère.

Il fut un temps où mes lectures m'auraient accompagnée dans ce périple, où je me serais noyée dans les histoire des autres pour mettre de côté l’ébullition environnante et me ressourcer. Mes livres-béquilles, qui me portent et me soutiennent, sorte de rempart mental quand la surchauffe cérébrale me guette... Mais à mon grand désarroi, ce ne fut pas le cas. Ma béquille a été autre.

Peu de lectures. Panne livresque. Peu d'envie de lire les histoires des autres tant les miennes, celles que peut-être un jour j'oserai montrer, ont occupé mon esprit, et continuent de s'en délecter. Mais je suis têtue, ou peut-être un peu déboussolée par cette demi-trahison à mes amis fidèles de papiers. J'ai essayé quand même, et j'ai cru me plonger dans une valeur sûre tant les critiques sur Loin de tout sont élogieuses.

Eh bien, s'il y a une vérité universelle, c'est que les goûts et les couleurs ne se ressemblent pas, parce que je suis loin d'avoir été séduite.

L'histoire est sympa, l'idée de Road-trip intéressante, cette rencontre entre ces deux jeunes gens agréable... Mais voilà, l'auteure dans son soucis de ne pas en faire trop, n'en a pas fait assez à mon goût. J'ai eu la sensation de survoler l'histoire, de toucher du doigt quelque chose qui aurait vraiment pu être très bien, sans que l'on me laisse la possibilité d'y entrer complètement. 

Tout va vite, très vite, trop vite. Frustrée j'étais à la fin de ma lecture, et un peu en colère aussi. Tout était prometteur, et j'étais un peu fâchée après l'auteure parce que j'aurais aimé qu'elle m'en donne plus, et j'avais l'impression, à lire ses commentaires en fin de roman, qu'elle-même s'était imposée des limites.  

Esquissés simplement les papillons dans le ventre. Ebauchés simplement cette gorge qui se serre et les yeux qui piquent. Mais jamais aboutis. 

Oui, je sais, heureusement que mon déménagement est terminé, parce que je ne suis pas facile à vivre... Et exigeante... Et cruelle aussi vis-à-vis de ce roman... Demandez à mon Cher et Tendre...