samedi 30 mai 2015

Le serrurier volant, Tonino Benacquista et Jacques Tardi

Marc est un gars qui a une histoire, de ces histoires qu'on ne raconte pas volontiers. Pour le dire autrement, Marc est un gars plus fermé qu'une serrure inviolable. Pour se relever - parce qu'il faut bien se remettre sur pied quand on survit à une catastrophe - il choisit de devenir serrurier. Ce nouveau métier lui donne l'occasion d'ouvrir pas mal de portes et de découvrir, par ce biais, les petites misères de ses congénères. Un jour, un client lui fait une drôle de demande qui va le faire renouer avec ce passé qu'il ne parvient pas à oublier.

Le hasard a mis sur ma route ce Carnets Littéraires mené  par Benacquista et par le dessinateur Tardi, une très jolie édition que j'ai ouverte un peu comme un trésor et que je garde tout aussi précieusement sur une de mes étagères. 

Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, j'aime Tonino Benacquista. C'est l'un des rares auteurs pour lesquels je me rue en librairie quand il sort un nouveau roman. C'est l'auteur qui m'a appris à apprécier les nouvelles. C'est l'auteur dont la plume transforme les petites choses insignifiantes en extraordianaires.

Marc est tout sauf un être hors du commun. Il est plutôt banal, avec sa vie bien rangée, son travail, sa fiancée, leur routine. Jusqu'au jour où sa vie bascule. 

Un braquage. Des morts. Un mort qui erre parmi les vivants. Se reconstruire. Comment faire quand on s'est perdu ? Comment faire quand on se sent prisonnier du carcan de sa vie ? Comment faire quand on a égaré la clé de sa propre serrure ?

Et puis la survie. Un travail de nuit. Insignifiant. De ceux qu'on ne voit pas. Mais de ceux qui vous ouvrent toutes les portes. Au sens propre du terme. Il devient serrurier. Il découvre la ville et les secrets de ses habitants la nuit, ouvre leur porte qui demeurait fermée et entre dans leur intimité. Jusqu'à ce qu'une personne en particulier ne croise sa route.

Addictif... Entraînant... Et une sacrée réflexion sur l'homme. Voilà ce qui pourrait définir Le serrurier volant. Bien loin de ce que nous laissait présager l'idée d'un ouvrage illustré qui nous faisait miroiter un humour omniprésent... Mais pas moins bien, au contraire.

Le serrurier volant ressemble à un film dont les scènes défilent sous nos yeux. Le mot s'allie à l'image pour nous immerger dans les différentes séquences du récit. La phrase est toujours juste, l'image particulièrement parlante, et cette histoire banale devient extraordinaire. Là réside le talent de Benacquista et de Tardi... 

samedi 23 mai 2015

Fight for love, tome 4 « Rogue », Katy Evans

Dans REAL, Brooke Dumas rencontre Remington Tate grâce à sa meilleure amie, Mélanie et c'est maintenant au tour de celle-ci de tomber sur l'homme qui fera vibrer son cœur. Après l'avoir attendu des années, un soir de pluie, il est là, fort et mystérieux... Il se nomme Greyson King et il vole à son secours. Il est intrépide et il est peut-être bien l'amoureux, l'ami et le protecteur qu'elle a toujours cherché. Lorsqu'ils font l'amour et qu'il prononce son nom, c'est comme si tout prenait du sens. Mais il disparaît sans un mot et lorsqu'il réapparaît, c'est pour lui dire : " Je ne pourrai pas te rendre heureuse. " Ne supportant d'être loin de lui, elle finit par découvrir le côté obscur qu'il était déterminé à lui cacher et se rend alors compte que leur première rencontre n'était peut-être pas due au hasard... Prise dans un tourbillon d'émotions, Melanie n'a rien à quoi se raccrocher, si ce n'est cet homme qu'elle devrait certainement fuir comme la peste. Que feriez-vous si votre Prince charmant était en réalité un véritable escroc ?

Le risque avec les sagas est que l'intérêt ne décroisse... Surtout quand les personnages changent et que l'on avait apprécié les précédents. J'avais beaucoup aimé le couple Brooke / Remington dans les trois premiers volumes, et j'avais un peu peur devant ce tome 4 qui nous éloignait d'eux. Que voulez-vous, je m'attache moi. Et Remy, c'est quand même un sacré personnage. 

Quand les Editions Hugo Roman m'ont envoyé ce fameux tome 4, je me suis franchement demandée ce que j'allais y trouver. Mélanie ? Mouais, on l'avait entraperçue dans les tomes avant, mais elle ne m'avait pas marquée. Rogue ? C'est qui celui-là ? J'ouvre l'ouvrage, et lis la première page. Ah non, ce n'est pas un prénom, mais une définition. Humm, la définition est alléchante. On entre dans la catégorie « Bad Boy » vraiment, vraiment « Bad », ça peut être intéressant.

Et ça l'a été. Très. Très, très...

Mélanie est un personnage sympathique, parfois un peu trop gentillet, mais auquel on s'attache assez facilement. Elle aurait mérité d'être un peu plus étoffée, il lui manque un peu de profondeur à cette blondinette sexy. Tout est ébauché, distillé, un peu trop sans doute. Mais Greyson... Il vaut largement Remington. Un sacré personnage lui-aussi, tiraillé par sa noirceur, pas simplement par ce que la vie a fait de lui, mais aussi parce ce qu'il est. Il ne cherche pas la rédemption, l'auteure a habilement évité cet écueil beaucoup trop facile, il ne résiste pas à l'attraction, ce qui est très différent.

Greyson est la face obscure du milieu où évolue Remington, ce que l'on ne voit pas. L'Underground est loin d'être un simple terrain de jeu pour boxeurs en mal de sensations. C'est un réseau, une famille... De celles qu'il vaut mieux éviter.

Un tome finalement assez court si l'on regarde toutes les péripéties de nos personnages, et j'aurais savouré avec bonheur quelques pages en plus. Se dire qu'un roman est trop court est plutôt bon signe en général, cela traduit un "j'en veux encore" qui vaut tous les mots du monde. L'histoire est efficace, la langue agile même si parfois un peu trop crue pour moi (mais elle montre un véritable talent d'écriture de la part de l'auteure qui se renouvelle vraiment, ce tome 4 est loin d'être un copier-coller des tomes précédents), et le résultat : un livre avalé en une soirée de lecture, et l'envie bien présente de lire le tome suivant. J'aime vraiment beaucoup cette série!

Merci encore une fois à Marie Decrême et aux Editions Hugo Roman pour cette lecture !

samedi 16 mai 2015

Le plus bel endroit du monde est ici, Francesc Miralles et Care Santos



Iris, âgée de trente-six ans, est bouleversée par la mort de ses parents dans un accident de voiture. Par un après-midi froid et gris où rien ne semble plus avoir de sens, elle songe à commettre l'irréparable. Quand soudain, elle découvre un petit café auquel elle n'avait jamais prêté attention. Son nom étrange, Le plus bel endroit du monde est ici, ayant éveillé sa curiosité, elle décide de pousser la porte et d'aller s'asseoir à une table. Un jeune Italien vient bientôt l'y rejoindre, il se prénomme Luca. Ensemble, ils commencent à évoquer la vie d'Iris. Pendant six jours d'affilée, ils se retrouvent au même endroit et, progressivement, Iris semble sortir la tête de l'eau. Mais au septième jour, Luca demeure introuvable. Iris comprend qu'elle ne le reverra plus. Ce qu'elle ignore en revanche ce sont les raisons de sa disparition. Mais une chose est certaine, la semaine qui vient de s'écouler avait quelque chose de magique... Au sens propre du terme.

C'est une évidence, la vie est faite de hauts et de bas. Un véritable Grand Huit: on monte très haut, et on peut descendre bas, très bas. Les évènements nous frappent, sans nous laisser le temps de nous y préparer, sans que l'on ait voulu s'y préparer. Tout au long de cette course d'obstacles, nous ne sommes parfois que des pantins qui subissons son rythme effréné. C’est la vie, tout simplement,  mais elle n’en est pas moins rude.

Dans ces moments d’obscurité, il suffit de peu, un regard échangé à un arrêt de bus, un enfant qui rit, ou un panneau qui clignote indiquant un bar que l'on n’avait jamais remarqué, une porte que l’on pousse, des tables, du café, et la vie reprend un sens.

Iris en fait l’expérience dans ce récit qui n’a rien à envier aux contes modernes. Tout va mal pour elle, la nuit l’a envahie, aucune lueur d’espoir ne pointe à l'horizon. Elle s'enlise, s'enfonce, perd pied dans cet océan et n'a pas la force de relever la tête. Ce n'est pas une héroïne, une Wonder Woman qui prend son destin à bras le corps. C'est femme quelconque, une femme comme n'importe quelle femme, et son échine plie tellement sous le poids des évènements qu'elle ne peut plus avancer. Jusqu’à ce moment, jusqu’à ces rencontres, qui changent son regard sur les choses, qui lui apprennent à apprécier l'insignifiant, qui donnent du sens à ce qui l'entoure et à ce qu'elle est. Pas besoin de tout bouleverser comme dans les films, simplement se laisser porter, prendre les bonnes décisions, et aimer…  

Naïveté et bons sentiments côtoient réflexions et interrogations sur les drames de la vie. Un sourire, une chanson, un haïku, et le chemin qui semblait si sinueux, si escarpé, devient moelleux sous ses pieds, sous nos pieds.

L’on peut reprocher beaucoup de choses à ce court récit, sa longueur en est une, la facilité des mots de cette langue pourtant riche en est une autre, tout comme ce regard candide sur ce qui nous entoure. Mais ce petit roman est ce qu’il est : une bouffée d’oxygène dans un monde sombre, un guide, de l’espoir, du bonheur en pages… Il fait partie de ces ouvrages pour lesquels on tairait presque d’en avoir apprécié la lecture. Pas parce qu’il s’agit d’une lecture honteuse, non. Parce qu'il est comme un secret, de l'émotion pure, qu’on ne voudrait garder que pour soi. 

Il est difficile de définir la magie de ces pages et l’onirisme du récit. Ils se ressentent, tout simplement. Comme la vie…

PS: Lu en VO

dimanche 10 mai 2015

Quand souffle le vent du nord, Daniel Glattauer

En voulant résilier un abonnement, Emma Rothner se trompe d adresse et envoie un mail à un inconnu, un certain Leo Leike. Ce dernier, poliment, lui signale son erreur ; Emma s excuse, et, peu à peu, un dialogue s'engage entre eux, par mail uniquement. Au fil du temps, leur relation se tisse, s'étoffe, et ces deux inconnus vont se mettre à éprouver l'un pour l'autre une certaine fascination. Alors même qu'ils décident de ne rien révéler de leurs vies respectives, ils cherchent à deviner les secrets de l'autre... De plus en plus attirés et dépendants, Emmi et Leo repoussent néanmoins le moment fatidique de la rencontre. Emmi est mariée, et Leo se remet à grand peine d un chagrin d amour. Un jour, pourtant enfin ! , ils décident de se donner rendez-vous dans un café bondé de la ville. Mais ils s'imposent une règle : reconnaître l'autre qu'ils n'ont pourtant jamais vu, avec interdiction formelle de lui parler...

Un week end chez mon frère, l'attente dans l'aéroport, et une valise chargée de livres, tellement chargée d'ailleurs que j'ai eu peur que la compagnie me la refuse comme bagage à main, voilà comment j'en suis venue à me plonger dans ce drôle de roman. On a tous nos petite manies, et l'une des miennes est de partir avec un bon stock de lectures pour pouvoir choisir, toujours cette histoire d'état esprit et de moment. Daniel Glattauer et son vent du nord, qui souffle d'ailleurs beaucoup, aujourd'hui faisait partie de ces livres. C'est un roman que je voulais lire depuis longtemps mais que je n'arrivais pas à trouver d'occasion. Et ma PAL étant conséquente, j'ai appris la patience (si, si, je vous assure... Euh, Melliane, je vois ton petit sourire goguenard ! ). Patience récompensée car j'ai mis la main dessus il y a peu, et dans une belle édition. Mais je m'égare. Tout comme certains mails. Cela arrive parfois. Une lettre erronée, un point mal placé, et hop, le mail destiné à votre banquier arrive entre les mains d'un inconnu, ou vous recevez un mail qui ne vous était pas du tout adressé. Et si c'était là voix du destin, ce destin si facétieux qui vous met en contact avec l'autre ?

Léo et Emmi ne se connaissent pas. Il reçoit par erreur un email d'Emmi qui souhaite résilier son abonnement au magasine Like. Il lui répond poliment pour lui signaler son erreur. Elle lui répond tout aussi poliment. Le mal est fait, Leo est désormais dans le carnet d'adresses d'Emmi. Quand les nouvelles technologies se font le bras du destin... Noël arrive, et elle envoie un email groupé qu'il reçoit. La vie de Leo a pris une tournure inattendue, commence un échange épistolaire moderne au verbe haut en couleurs.

Qu'il est facile de se confier sans avoir vu l'autre... Qu'il est difficile de se confier sans l'avoir vu. Comment construire une relation que l'on arrive pas à définir ? Comment construire une relation qui fait tellement de bien qu'on a peur de la perdre ? Est-ce que le virtuel peut-être réel ? La relation épistolaire s'installe, se consolide. Ils ne sont qu'Emmi et Leo, dans leur univers réel de l'irréel. 

Leo est bourré d'humour, très attachant, Emmi plus énervante avec ses doutes et ses interrogations. Ils sont finalement le miroir fidèle de ce que nous serions dans cette situation. J'ai lu ces échanges mailistiques avec un plaisir presque coupable, m'immergeant dans cette intimité qui se crée, le tout servi par une plume agréable et au dynamisme sans failles. J'ai pesté contre Emmi, contre Leo, je me suis m'attendrie pour les deux, j'ai espéré, vont-ils enfin se rencontrer ? Comment vont-ils se reconnaître ? Et j'ai même surpris mon voisin de siège à lorgner sur ce que je lisais, mes sourires et autres gloussements, pourtant retenus, je vous l'assure, semblaient beaucoup plus intéressants que le film "Divergente" qui passait sur sa tablette.

Un vol en avion de 50 minutes, et le livre était bouclé. Et je me maudissais de ne pas avoir été prévoyante et de ne pas avoir emmené la Septième Vague avec moi. À quoi me servaient tous ces livres dans ma valise, et tout ce stress à l’aéroport si c'était pour ne pas avoir la suite ? Un vrai drame, oui, oui... Mais j'ai été raisonnable, j'ai attendu jusqu'à mon retour.


PS : Ils m'ont beaucoup aidée à l’aéroport à être raisonnable, ils ne l'avaient pas. Un moment de frustration très douloureux, croyez-moi... Vous ai-je déjà dit que j'étais un brin obsessionnelle ?

mercredi 6 mai 2015

Maybe someday, Colleen Hoover

À 22 ans, Sydney a tout pour être heureuse : des études passionnantes, le mec parfait, Hunter, et un superbe appartement en coloc avec sa meilleure amie Tori. Jusqu'au jour où elle apprend que ces deux êtres qui lui sont le plus chers lui cachent un secret impardonnable... 

Sydney décide alors de tout plaquer. Elle se rapproche de plus en plus de Ridge, son mystérieux voisin. Elle vibre lorsqu'il lui joue ses magnifiques mélodies à la guitare sur son balcon. Mais chacun a ses secrets, et Sydney va découvrir ceux de Ridge à ses dépens. Ensemble, ils vont comprendre que les sentiments qu'ils partagent ne leur laissent pas le choix dans leurs décisions.
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[Mode groupie ON]
Ahhhh, mais quelle lecture ! Mais quelle lecture ! ahhhhh... Je suis décidément fan de la plume de Colleen Hoover ! Sydney est adorable ! Ahhh, et Ridge... Waow.... Mon petit cœur en a encore des ratés...
[Mode groupie OFF]
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[Mode lectrice fatiguée parce qu'elle n'a pas dormi mais qui tente d'analyser rationnellement ce qui lui est arrivé -ON]
Lire un ouvrage de Colleen Hoover, c'est assurément le choix de lire une romance originale, une romance pour laquelle, en refermant le roman, on n'a pas de doutes sur l'identité de l'auteur. J'avais beaucoup aimé Indécent et encore plus Hopeless qui m'avait bouleversée, tellement bouleversée d'ailleurs, que je ne l'avais pas chroniqué par crainte de perdre ces émotions beaucoup trop intenses qui m'avaient fait verser des torrents de larmes (paradoxe quand tu nous tiens...). Maybe Someday est du même acabit.
Colleen Hoover ne fait pas dans la demi-mesure, elle aborde des sujets qui peuvent déranger nos esprits souvent trop conventionnels ou étroits. Le handicap, la rencontre alors qu'on est déjà engagé, la maladie... Elle agence tout cela avec une délicatesse incroyable.
Maybe Someday en est un bel exemple. Des personnages attachants et droits, meurtris par la vie, par ce qu'ils sont, et une rencontre qui peut tout détruire ou tout construire. Au milieu de tout cela, la musique, le lien, ce qui unit. Pour certains, ce thème est un thème déjà vu et revu, beaucoup trop cliché. Peut-être, mais il fonctionne, et il fonctionne vraiment très bien pour moi. La musique est vibration, l'amour est vibration... Quoi de plus logique qu'une rencontre entre les deux ? Quoi de plus logique que la vie ne se décide à réunir Sydner et Ridge ?
La force de cette romance, au-delà d'une écriture entraînante et souvent juste, réside évidemment dans ses personnages. Sydney est une jeune femme de son temps, avec ses qualités et ses défauts. Elle fait des erreurs, mais suit une ligne de conduite qu'elle essaye de tenir, avec quelques ratés parfois, mais personne n'est parfait... Ridge est …
[Mode lectrice fatiguée parce qu'elle n'a pas dormi mais qui tente d'analyser rationnellement ce qui lui est arrivé -OFF]
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[Mode groupie ON]
Ridge est.... Ahhhh... Ridge est... Waow... Il est Ridge, tout simplement. Il avance comme il peut, malgré ses différences et ses contraintes sans jamais perdre de vue les objectifs qu'il s'est fixés. Il est ...Waow..
[Mode groupie OFF]
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[Mode lectrice fatiguée mais qui essaye de continuer tant bien que mal sa chronique sans trop s'éparpiller dans le kaléidoscope d'émotions qui l'ont tenue en haleine toute la nuit -ON]
Autour de Sydney et de Ridge évoluent des personnages attachants (et oui, j'ai même aimé Bridgette!) et drôles (Ah, Warren et ses blagues, Warren et son humour... Warren et sa loyauté...) qui se concentrent autour d'une histoire qui m'a chamboulée. L'insertion des chansons (allez les écouter, elles sont franchement très sympas) est un bon fil conducteur, les mots qui permettent de dire ce qu'il faudrait taire.
[Mode lectrice fatiguée mais qui essaye de continuer tant bien que mal sa chronique sans trop s'éparpiller dans le kaléidoscope d'émotions qui l'ont tenue en haleine toute la nuit -OFF]
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[Mode j'ai-maintenant-un-gros-problème -ON]
Résultat, je me suis couchée à ...euh.. Joker, il y a des espions (les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-mer-et-de-la-terre, vous savez bien...), et je l'ai mis sur ma pile d'ouvrages qui restent près de ma table de nuit. Vous savez, au cas où l'envie me prendrait de relire certains passages...
J'ai vraiment un gros problème, d'autant plus que... ahhhh (je jette un coup d'oeil à mes ongles déjà trop rongés...) il va me falloir attendre un peu avant le prochain Colleen Hoover !! Ahhhh
[Mode j'ai-maintenant-un-gros-problème -OFF]
PS : Et non, je n'ai pas perdu la tête, juste ma voix à force de trop crier...

Merci encore une fois à Marie Decrême et aux Editions Hugo Roman pour cette lecture ! Vos lectures font vibrer mon petit cœur !

dimanche 3 mai 2015

La Dame à la Licorne, Tracy Chevalier

Désireux d'orner les murs de sa nouvelle demeure parisienne, le noble Jean Le Viste commande une série de six tapisseries à Nicolas des Innocents, miniaturiste renommé à la cour du roi de France, Charles VIII. Surpris d'avoir été choisi pour un travail si éloigné de sa spécialité, l'artiste accepte néanmoins après avoir entrevu la fille de Jean Le Viste dont il s'éprend. La passion entraînera Nicolas dans le labyrinthe de relations délicates entre maris et femmes, parents et enfants, amants et servantes.

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Résumé des Chroniques de la Liste-noire-des-livres-interdits.
Une sombre menace plane sur nos livres-chéris, sur ces ouvrages qui nous transportent jusqu'à pas d'heure dans la nuit et nous font rêver encore et encore dans la journée : les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-mer-et-de-la-terre les ont déclarés « dangereux pour l'humanité », et nous somment, nous, les humbles lecteurs, de les leur livrer. Voici l'histoire de notre rébellion! 
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Salon du Livre de Paris.

Une lueur étrange s'échappe d'une dalle de ce hall où la foule s'agglutine contre les issues de secours toujours closes. D'abord minuscule, ténue, de la taille d'une tête d'épingle, elle grandit, grandit, grandit encore pour finalement gagner tout de contour de la dalle.
Je recule instinctivement de quelques pas, Le Chat, Melliane et Johanne en font de même.

– Euh, c'est quoi ça ? demande Le Chat en adoptant la position de garde du Krav Maga.
– Ça, ce sont les ennuis, je ne peux m'empêcher de lui répondre en fronçant tellement les sourcils que je ressens jusque dans ma chair la ride d'inquiétude qui me barre le front.

Un grondement sourd accompagne la lueur qui est devenue tellement aveuglante que nous nous servons de nos bras pour protéger nos yeux.
– De très gros ennuis, gémit Melliane dont les cheveux sont ébouriffés à cause de la pagaille environnante.

Le sol tremble maintenant plus violemment autour de nous. Des cris s'élèvent de la foule paniquée qui court sans but à travers la salle. Des tables de présentation se fracassent contre le sol dans un éclat retentissant, mais ce n'est rien en comparaison avec le vacarme qui provient de la dalle.

Nous reculons encore d'un pas, puis d'un autre.

La dalle tremble de plus belle, et s'élève soudain brusquement pour exploser dans les airs en une poussière si fine que nous ne la voyons pas retomber.

Comme un génie sorti d'une lampe, une première silhouette éclatante, suivie d'une deuxième, puis d'une troisième s'engouffrent dans l'espace ainsi libéré.

– De très, très gros ennuis, murmure Johanne en soufflant sur la mèche de cheveux qui lui retombe sur les yeux.
– Livre-vie, Le Chat du Cheshire, Melliane, Johanne, Encore vous ! tonne une voix caverneuse.

Les trois silhouettes lumineuses sont alignées dans un ordre parfait devant nous. L'ombre de ce qu'elles sont nous fait reculer encore d'un pas. Nous paraissons si minuscules à côté. Melliane passe son bras sous le mien, et j'en fais autant avec celui du Chat, qui saisit celui de Johanne. Notre chaîne humaine semble un bien mince rempart face à eux.

– Euh, salut! fait le Chat en accompagnant ses paroles d'un petit sourire engageant.
Je la fusille du regard, ce n'est pas le moment de faire ami-ami avec l'ennemi.
– Vous êtes pire qu'une épine dans le pied d'un cheval, il faut que ça cesse, rugit une deuxième voix tout aussi caverneuse.

Leur visage est flou, comme l'image brouillée d'un écran de télévision et si je ne parviens pas à distinguer lequel des trois vient de parler, je n'ai aucun mal à m'imaginer leur expression à ce moment précis : sourcils froncés, lèvres pincées, ils ne sont pas contents du tout. C'est même un euphémisme, ils sont furieux... Et ils n'arrêtent pas de grandir, comme le haricot magique de Jack. Il faut reconnaître que leur entrée est réussie, fracassante même. J'hésite à leur demander quel est leur truc, mais le troisième coupe à la racine toute envie de dialogue.
– Oui, il faut que ça cesse ! aboie-t-il en levant la main d'un geste rageur qui amplifie les tremblements du hall.

Il ne nous en faut pas plus. Avec une agilité digne des meilleurs espions, nous bondissons toutes en arrière.
– Il faut sortir de là ! hurle Johanne.
Je ne peux que hocher du chef en silence, j'essaye de récupérer mon équilibre mis à mal par ma manœuvre. Finalement, mon agilité n'est pas si digne d'un espion que cela, et j'ai failli en perdre mon sac, mon précieux sac qui contient tous les ouvrages à sauver.

Le Chat saute par dessus une table et dans son élan, projette un roman qui termine son vol dans mes bras.

Diantre, la Dame à la Licorne de Tracy Chevalier !

D'un geste rapide et sûr, je le fourre dans mon sac de livres-à-sauver, et me mets à courir en bramant :
– Mortecouille ! Guerroyons mes amies et pourfendons-les de nos lames ! 

Mes paroles de motivation n'ont pas l'effet escompté. Le Chat, Johanne et Melliane s'arrêtent net, et Rohanne, qui s'était cachée sous une table, sort la tête en disant :
– Mais elle a perdu la tête ou quoi ? »
– Que nenni ! Donnez moi une arbalestrie et partons faire bastaille prestement ! 
– Ça y est, on est foutues ! soupire le chat en évitant une chaise d'un mouvement de bassin.

La Dame à la Licorne ballote dans mon sac. Ce petit bijou qui tisse le récit tellement réaliste de l'histoire de ces célèbres tentures du XVè siècle. Servi par une langue et des mœurs qui nous immergent complètement dans le siècle à l'aube de la Renaissance, l'amour courtois (et pas si courtois que cela !) défie l'Histoire en retraçant les étapes de l'élaboration de ces fameuses tentures. Défilent les aventures de Nicolas de Innocents (pas si innocent que cela!), et des différents personnages féminins et masculins qui croiseront sa route. La narration alternée suivant le point de vue des différents personnages donne une richesse et une authenticité telles au récit que j'ai eu l'impression de remonter le temps pour finalement me rendre compte que la Licorne n'était pas forcément ce que je croyais (et j'en rougis encore d'ailleurs...).

Je saute par dessus une table qui vole et attrape au passage l'une des pancartes publicitaires. La tige métallique qui lui sert de pied fera une arme létale. Enfin, j'espère.

– Mes amies, je vous créant que nous allons occire ces mécréants.
– Elle parle des Dieux là ? demande une Melliane consternée qui ne peut s'empêcher de cueillir les ouvrages comme elle cueillerait des pommes. Son sac risque de craquer à tout moment.
– Nous ne pouvons pas fuir ! Peste soit des Dieux! Allons à la mortaille !
Les filles se sont arrêtées et me regardent d'un air navré.
– C'est foutu, tout est foutu... sanglote Johanne tout en jetant à la figure du Dieu le plus proche un paquet de mouchoirs en papier. 
– Je vous avais bien dit qu'il fallait que j'amène un glouton... Il aurait fait le ménage et zou... grogne le Chat alors qu'elle dégaine son spray au poivre.
– Ou un éléphant, pour ouvrir les porte ! Ça aurait été pratique ! ajoute Melliane en se débarrassant de sa trousse de maquillage qui s'ouvre au contact de la poitrine de l'un des Dieux.
Son contenu se répand sur le sol, et j'aperçois quelques taches de vernis à ongle sur le vêtement immaculé de la divinité. Mes copines visent bien...
– Et je l'aurais mis où ? Dans ton sac ? glousse le Chat en faisant un pas en avant, spray au poing.
– Tu vois bien que je suis en train de faire de la place! rétorque Melliane qui s'entraîne au lancé de brosse à cheveux sur le même Dieu. 
Elle met dans le mille une nouvelle fois, et le Dieu ébauche un mouvement de recul. Le Chat en profite pour appuyer sur la gâchette et un nuage de poivre recouvre la silhouette brillante qui se met à éternuer.

Nous:1 / Dieux: 0

Une lueur intense se matérialise devant moi, et je brandis ma pancarte dans un regain de fureur. Il est hors de question que notre lutte s'achève ici. La Dame à la Licorne mérite d'être sauvée. Je me suis attachée à ses personnages, et la fin est une jolie leçon de vie. Non, il en est hors de question.

Une deuxième lueur apparaît à ses côtés. Les Dieux me semblent encore plus grands.

– Quand je dis que les livres nuisent à la santé. En voilà un bon exemple ! s'exclame l'un d'entre eux, visiblement perplexe. 
– Il va falloir la mettre en cellule d'isolement dans le Donjon, ça pourrait être contagieux, constate l'autre.
– Devons-nous courir le risque ? Le Donjon est bien dissimulé, mais peu isolé. L'on risquerait une pandémie!

Je songe à le transpercer de mon épée. Peut-être que l'effet de surprise serait là et que je pourrais nous débarrasser de l'un d'entre eux. Un de moins, ça serait toujours ça... Mais mon épée me semble bien fine, une aiguille face à un Dieu. Par contre, j'ai la volonté, et comme on dit, « À cœur vaillant, rien d'impossible. » Je prends une grande inspiration, prête à me lancer. Une petite voix sur ma gauche rompt le fil de mes réflexions.

– Les filles, eh, oh, les filles...
C'est Roanne.

Elle sautille frénétiquement en battant des mains devant une immense affiche publicitaire du salon, une de ces tapisseries modernes qui ornent les murs du hall.
« Il y a une sortie, là, derrière ! »

Toutes mes velléités d’occire un Dieu disparaissent soudainement. Nous aurons d'autres combats. La fuite n'est pas vraiment une défaite, nos sacs sont lourds des livres que nous avons déjà sauvés. Il faut parfois savoir se retirer. Alors, je fais ce que font mes amies, dans un style beaucoup moins élégant toutefois, je cours vers la sortie en hurlant pour prévenir la foule de cette issue salvatrice.

Nous allons bien ripailler je le sens, nous le méritons après un tel combat...