dimanche 27 décembre 2015

La galerie des maris disparus, Natasha Solomons

Quand son mari se volatilise, Juliet Montague disparaît à son tour. Ni veuve ni divorcée, elle n’a pas le droit de refaire sa vie selon les règles de la communauté juive à laquelle elle appartient. Juliet s'efforce pourtant de son mieux d'assumer le quotidien et d'élever ses deux enfants. Mais le jour de ses trente ans, un matin de l’hiver 1958, elle prend une décision tout sauf raisonnable : au lieu de consacrer ses économies à l'achat d'un réfrigérateur, elle s'offre un portrait à son effigie.
Ce tableau, premier d’une longue série, signe le début de son émancipation : passionnée de peinture, Juliet va peu à peu repérer les talents émergents, frayer avec le gotha artistique de Londres et ouvrir sa propre galerie.
Ses nouvelles amitiés et, plus tard, son amour pour un brillant peintre reclus dans sa maison du Dorset l’aideront à affronter les commérages et la réprobation des siens. Mais Juliet reste enchaînée et, pour se sentir tout à fait libre, il lui reste un mystère à élucider...

Il est des livres qui sont une certitude. Pas le moindre doute quand on le sort d'une étagère, mais plutôt la conviction profonde que c'est le bon livre, à ce moment précis. 

C'est exactement ce qui s'est passé pour ce roman de Natasha Solomon. Quelques jours d'intense fatigue, de lecture laborieuse autour d'un obscur roman que j'avais tiré de mon étagère (oui, je parle bien de la Communauté du Sud...), la crainte de la pénibilité du suivant pendant que je regardais les titres de ma PAL, et puis le regard attiré vers la tranche de ce roman, alors qu'il était pourtant caché derrière les autres (aucun commentaire sur l'énormité de ma PAL, c'est dans ces moments-là que je la revendique haut et fort, même si je préfère taire le nombre exact, vous me prenez pour une personne équilibrée et saine d'esprit (oui, oui, j'en suis sûre !) et si le nombre à trois chiffres vous était connu, je suis sûre que vous reverriez votre jugement). J'ai pourtant essayé d'en feuilleter un autre, censé être plus léger, une romance moderne, grisante, j'en étais convaincue, mais non. C'était le moment de La Galerie des maris disparus, alors j'ai écouté cette petite voix qui se faisait insistante...

Ce roman a comblé toutes mes espérances. Voire plus encore. Il faut toujours écouter nos petites voix.

Juliet a tout pour être heureuse : des parents aimants, un quartier soudé qui vit au rythme des préceptes du judaïsme, un mari qu'on lui envie, et qu'elle aime, même s'il a la fâcheuse tendance à s'adonner au jeu (mais comme elle se dit, au moins il ne boit pas), et deux enfants merveilleux. Elle a vraiment tout pour être heureuse, jusqu'à ce jour qui, pourtant, commençait comme tous les autres jours... Son mari disparaît, emportant avec lui le seul objet de valeur qu'elle possède: un tableau qu'un artiste avait peint d'elle alors qu'elle n'était qu'enfant.

Commence pour elle la disgrâce, elle est une aguna, femme abandonnée mais qui ne peut divorcer, seul les hommes ont ce privilège. Et elle doit subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants, retourner travailler dans l'entreprise bien trop grise de son père. Elle qui voit les couleurs comme personne, qui a le don de déceler l'art, le vrai, doit se cantonner à un monde qui n'oscillerait qu'entre le blanc et le noir. Mais si finalement, l'abandon de son mari était une véritable libération ? Si elle pouvait commencer à vivre ? Elle se décide à franchir le pas et entame une vie de portraits et de rencontres, une vie d'amour et d'art, une vie de liberté...

J'ai adoré tourner les pages de ce romans au gré des portraits de Juliet qui vont jalonner sa vie. La construction de ce récit est très intéressante et originale. Chaque chapitre se construit autour d'un de ses portraits, et à travers ce puzzle qui n'est qu'une multitude de fragments de qui elle est, se reconstitue sa vie.

Femme forte, femme courage qui, au-delà de la traîtrise et de l'abandon, doit faire face au rejet de l'émancipation d'une culture qui vit ancrée dans un certain passéisme. Femme qui cherche à s'assumer mais en restant fidèle à ce qu'elle est, sans tomber dans une frénésie trop facile d'excès qui m'aurait sans doute empêchée de m'attacher à elle, Juliet avance, s'affirme, aime et nous fait l'aimer pour ce qu'elle est, parce que son monde est fait de couleurs, parce qu'elle ne veut qu'une chose, vivre...


Une très belle réflexion sur le judaïsme, sur la place des femmes, de l'amour et de l'art. Un vrai moment de bonheur... 

jeudi 24 décembre 2015

Volée noire, tome 2, Meg Corbyn, Anne Bishop

Grâce à son don de clairvoyance, Meg Corbyn a gagné sa place auprès des dangereux Terra Indigene de Lakeside. Lorsque l'apparition d'une nouvelle drogue violente et addictive remet en cause le pacte fragile entre Autres et humains, la petite ville est de nouveau plongée dans la tourmente. Les aptitudes de Meg devraient permettre à Simon Wolfgard, dirigeant métamorphe de l'enclos, d'éviter un bain de sang. Mais encore faut-il pouvoir déchiffrer ses visions à temps. D'autant que l'homme qui veut récupérer la prophétesse se rapproche, mettant en péril les vies de tous ceux qui la considèrent à présent comme l'une des leurs.
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Résumé des Chroniques de la Liste-noire-des-livres-interdits.
Une sombre menace plane sur nos livres-chéris, sur ces ouvrages qui nous transportent jusqu'à pas d'heure dans la nuit et nous font rêver encore et encore dans la journée : les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-mer-et-de-la-terre les ont déclarés « dangereux pour l'humanité », et nous somment, nous, les humbles lecteurs, de les leur livrer. Voici l'histoire de notre rébellion! 
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Rappel de l'épisode précédent : Le Chat, dans une interprétation douteuse de l'une des prophéties, nous a entraînées devant une église, non loin du QG des livres-addicts Anonymes où sévit la Cerbère Rousse. Portée par sa curiosité légendaire, Melliane est entrée par un vitrail cassé, nous laissant seules à l'extérieur.
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– Eh oh... les filles ! gémit Melliane.

– Bon, on fait quoi... Il pleut, Livre-vie est enrhumée et est aussi discrète qu'un hippopotame dans un magasin de porcelaine, et on a Melliane qui se la joue Indiana Jones à la découverte de la nef perdue... Réfléchissons, réfléchissons, marmonne le Chat du Cheshire en se grattant le menton. 

Je suis sur le point de lui envoyer une remarque bien sentie que je n'ai pas encore trouvée mais qui ne saurait tarder et étonnera tout le monde par sa subtilité quand un chat feulant et crachant lui répond à ma place. Transmission de pensées, quand tu nous tiens...

– Quelles sont les options ? demande Lupa, une petite ride de concentration barrant son front.

Ou peut-être que cette ride est due à l'inquiétude ? Je ne pourrais pas lui en vouloir, j'héberge sa petite sœur au fond de moi. La nuit a enfilé son manteau de nuage et le ciel a décidé qu'il allait rivaliser avec la terre en revêtant ses couleurs sombres. Le décor idéal d'un film d'horreur. 

J'éternue bruyamment. Mon option 1 serait de rentrer me glisser sous la couette avec une bouillotte bien chaude et un pot de Nutella, mais je ne crois pas que ce soit du goût de Melliane. Quelques pas un peu lourds résonnent dans l'église, elle doit être en train d'explorer les lieux.

– 1) On entre, 2) On n'entre pas 3) On réfléchit encore un peu et on va prendre un café pour avoir un vrai plan, rétorque Bea en s'aidant de ses doigts pour compter.

– Je connais un café pas loin d'ici, suggère Johanne.

C'est vrai que l'option 2 est plutôt attrayante et aux hochements de tête de mes camarades, je devine qu'il s'agit d'un sentiment partagé.

Une voix se faufile par le trou du vitrail.

– Non, non, les filles. Pas de 2 ni de 3, juste le 1 ! Vous vous bougez le popotin et vous entrez ! On ne tergiverse pas ! Point final ! Il fait froid, il fait noir et je suis toute seule !

Apparemment, Melliane ne partage pas ce sentiment.

L'écho de pas battant les dalles de la nef se fait de nouveau entendre. Le fond de l'air est frais ce soir, à mon avis, elle se déplace pour se réchauffer,

– Euh, les filles, je ne suis pas seule, alors vous vous bougez les fesses et vite !

Ah non, ce n'étaient pas ses pas à elle que l'on entendait! Johanne nous sert une moue résignée accompagnée du long soupir de Roanne. Pas le choix... Ah, si on avait l'un des corbeaux qui peuplent l'Enclos de Simon... Ça serait bien pratique. On l'enverrait en éclaireur, et hop, il nous ferait un rapport sur ce qu'il y a à l'intérieur. Bon, son attirance pour les objets qui brillent pourrait nous attirer des ennuis, il risquerait de partir avec un crucifix. Il nous faudrait quelqu'un ayant l'autorité naturelle pour le contrôler. Ou Simon tout court.

Je souris bêtement.

Simon Wolfgard est quand même sacrément efficace. Un mot de lui et l'Enclos lui obéit. Il sait y faire. De l'autorité, un brin de force et du dialogue... Un vrai chef ! Ça serait quand même très bien d'avoir un Simon avec nous. Et tant qu'on y est, une Meg aussi. On ne sait pas ce qu'on va trouver là-dedans. Une prédiction et zou, on serait fixées. Bon, d'accord, il faudrait passer par une entaille et verser le sang de Meg n'est pas une bonne chose. Ses réserves ne sont pas inépuisables et cela suscite d'ailleurs beaucoup d'interrogations sur son espérance de vie.

– Les filles ? chantonne Melliane. Vous faites quoi ?

Elle n'a pas chantonné la dernière partie de sa phrase. Elle l'a littéralement hurlé, comme un grizzly en colère. Comme celui de l'Enclos. Je la sens un tantinet stressée. Il faut dire que seule, dans le noir, dans une église inconnue... Ce n'est pas la recette idéale, j'en conviens.

J'éternue encore une fois bruyamment.

Chutt, proteste Johanne.

Je n'en tiens pas compte et me mets les poings sur les hanches, histoire de faire une bonne imitation de Simon et ainsi de me donner une aura d'autorité. Au gloussement de Lupa, je ne suis pas convaincue d'y être arrivée. Ce sentiment se confirme quand je la vois donner un coup de coude à Bea qui se mord la lèvre inférieure pour ne pas ricaner. Ça doit être à cause de mon nez trop rouge à force de me moucher.

– Bon, quand faut y aller, faut y aller...

Notre Chef-Stratégie, Le Chat, répartit en deux secondes les rôles. Elle est douée pour ça. Elle aime bien donner des ordres, du genre Général-en-chef. Moi je suis plutôt... Euhhh, le cerveau du groupe. Oui, c'est ça... Je suis le cerveau du groupe... Celle qui a toujours la tête sur les épaules, toujours réfléchie, qui mesure risques et conséquences et qui prend les décisions qui s'imposent, quand elle s'imposent.

– Je rêve ou elle vient de dire qu'elle était le cerveau du groupe ? entends-je une Roanne narquoise.
– Mouais, alors sacrément enrhumé le cerveau, ajoute une Johanne hilare.
– Vous vous souvenez pendant le Salon du livre, quand elle a crié « Mortecouille » au milieu de la foule ? croit bon d'ajouter le Chat
– Et quand elle a percuté la Cerbère Rousse alors qu'elle voulait écouter ce qu'elle disait ? continue Johanne qui à du mal à retenir ses larmes à force de rire.
– Elle a fait tout cela ? demande Bea, incrédule.

Lupa se tient les côtes tellement elle rit, et moi j'ai soudain très envie de vite courir jusque dans l'Enclos pour disparaître de la surface de la Terre. Je bombe un peu le torse malgré tout, et m'apprête à protester quand la voix de Melliane s'élève depuis l'intérieur de l'église.

– Je rêve ou vous êtes en train de prendre le thé alors que je suis encore et toujours toute seule ? Vous attendez quoi ? Le Père Noël ?

Au moins, je ne suis pas la seule à ne pas trouver ça drôle. Merci Melliane ! Même si je la sens plutôt impatiente que réellement solidaire avec moi.

Les filles s'engouffrent à tour de rôle par le trou dans le vitrail. A chaque semelle qui m'écrase le visage dans un appui hasardeux, je les remercie silencieusement de ne pas être, comme Melliane, une adepte des talons vertigineux. Elle sont dedans, ne reste que moi dehors.

– Euh, les filles, pourquoi c'est moi la dernière ?
– Parce que tu cours vite, me rétorque Le Chat.
– Et quel est le rapport ? grommelé-je en me hissant à la force de mes bras, ou plutôt en essayant de me hisser à la force de mes bras, parce qu'à la place de muscles, j'ai du Nutella dans les biceps.
Il faut que je réduise ma consommation. C'est décidé, ça sera l'une de mes bonnes résolutions 2016.
– Il n'y en a pas, on ne voulait pas te dire que c'est parce que tu es un peu blonde que tu es dehors, glousse Bea...

Et c'est elle qui me parle de blonde ! Elle a un blog qui s'appelle l'Ancre Littéraire d'une blondinette ! Il va falloir que je lui rappelle que je suis le Cerveau et que c'est un petit scarabée, une jeune recrue. Un peu de respect que Diable ! Je vais le faire, dès que je serai à l'intérieur, mais pour l'instant, la grande question est : comment je fais pour entrer ?

– Attrape mon bras !

Roanne, ma sauveuse !
Elle a passé la moitié de son corps par le vitrail et me tend la main. Je la saisis, et en dix secondes, je suis à l'intérieur.

– Tu vois, ce n'était pas si difficile, ironise Johanne.

Je lui jette un regard noir, mais je ne suis pas sûre qu'elle le voit. Il fait très sombre dans l'église.

– Melliane, tu as vu quelque chose ?
– Quoi ?
– Quand tu nous attendais, tu as vu quelque chose ?
– Vous connaissez la définition du mot « Attendre ».
– Ça veut dire... attendre... et pas inspecter. Donc, non, je n'ai rien vu. Il fait trop noir, mon téléphone n'a plus de batterie et en plus, j'ai froid et vous avez mis au moins trois siècles à arriver, trépigne-telle.
– J'ai ! s'enthousiasme Lupa en allumant la lampe torche de son téléphone.
Elle sautille sur place, très satisfaite d'elle-même. A moins que ça ne soit pour se réchauffer. L'humidité des lieux étreint nos os.

J'éternue une nouvelle fois. L'option « Couette » était vraiment tentante...

Nous nous lançons en file indienne dans l'exploration de la nef. Inconsciemment, chacune d'entre nous a saisi le manteau de celle qui se trouve devant. Lupa ouvre la marche, c'est elle qui a la lumière.

J'imagine que c'est un peu ce que Meg a dû ressentir en arrivant dans l'Enclos. L'impression de ne pas être dans son élément, de devoir trouver ses marques dans cet univers qui lui est complètement étranger. Mais elle n'est pas la seule à ressentir cela. Les barrières sont telles entre les Autres et les humains qu'ils ne savent pas comment cohabiter. Jusqu'alors, cette question n'avait pas lieu d'être. Le monde était scindé en deux : les Autres, et les humains, qui, s'ils avaient le malheur de fouler le sol du territoire des Autres, finissaient sur les étals du boucher. Mais les choses évoluent, il suffit parfois de pas grand chose, du battement d'aile d'un papillon, d'un petit bout de femme telle que Meg... Des questions intéressantes sont abordées, comme celle de la nécessité du vivre-ensemble, de ses conséquences aussi, de comment apprendre à cohabiter malgré les différences, des émotions naissantes, de comment les appréhender. Le monde que dépeint Anne Bishop est brutal, cruel, mais elle évite un schéma trop manichéen qui aurait été maladroit. Il n'y a ni vraiment bons, ni vraiment méchants. Bien sûr, certains individus sont le mal incarné, mais n'y en a-t-il pas dans toutes les espèces ?

– Oui, j'ai adoré aussi, l'auteur va au bout de ce qu'elle a proposé. Tout est très bien pensé, très bien mené. Moi, je n'aurais pas tenu longtemps dans un tel monde, me répond Roanne.

Je n'avais pas l'impression d'avoir parlé à voix haute. Le rhume... Je ne vois que cela pour expliquer ma propension à dire tout haut ce que je pense.

– Et la relation Simon et Meg est vraiment touchante. Anne Bishop les laisse évoluer à leur rythme, pas besoin d'un marathon de couette pour faire vibrer le lecteur, ajoute Melliane en se frottant les mains pour se réchauffer.
– Oui, c'est vrai... Tout comme les relations avec les autres membres de l'Enclos, j'adore Hiver, Printemps, leurs poneys... Sans oublier les quelques humains qui osent franchir la porte de l'Enclos et sont autant de souris au milieu d'une troupe de chats, mais qui tentent de prouver que tout le monde n'est pas comme ceux qui ont fait du mal à Meg. La plume est vraiment intéressante, légère, pleine d'humour mais également teintée d'une gravité nécessaire, acquiescé-je.

Boum... Un bruit retentissant nous fait sursauter.

– Ça, ça n'était ni léger, ni plein d'humour... hasarde Lupa.

Les secondes s'écoulent lentement, très lentement. Nous avons arrêté de respirer. C'est fou combien le temps peut nous sembler long quand nous sommes en apnée.

– Euh, Père Noël, c'est vous ? finis-je par m'enquérir d'une petite voix...


Joyeux Noël à tous et à toutes ! Et n'abusez pas du Nutella ! Euh, du chocolat !

PS : Merci à Roanne pour un de ses commentaires que j'ai repris dans une de ses répliques, et à Melliane, même si elle me nargue toujours autant avec son avance sur moi. Dire qu'elle a déjà lu le tome trois... Grrrr




mardi 22 décembre 2015

La communauté du Sud, tome 11 : Mort de peur, Charlaine Harris

"Me revoilà, Sookie, de retour au bercail ! Je suis enfin revenue à Bon Temps. Et quel retour! Vous ne devinerez jamais ce qui s'est passé : quelqu'un a tenté de réduire le Merlotte en cendres sous mes yeux !Plus de peur que de mal, me direz-vous. Je suis bien décidée à mener l'enquête et, vous me connaissez, je ne vais pas en rester là ! J'ai déjà quelques soupçons, mais je sens que quelque chose de beaucoup plus grave se trame au sein du clan des buveurs de sang."
Depuis que le Merlotte a brûlé, rien ne va plus dans les bayous ! Adieu la vie paisible à Bon Temps, Debby Pelt est de retour et vient régler ses comptes. Les luttes d'influence s'immiscent au sein du clan des vampires depuis que Felipe, le roi, a placé Victor en qualité de régent juste au-dessus d'Eric. Toutes ces révélations vont fragiliser le beau duo que forment Sookie et Eric, et, une fois de plus, la pègre des suceurs de sang va faire de graves dégâts...

Est-ce que vous avez déjà eu l'impression de perdre votre temps en lisant un roman ? De vraiment perdre votre temps ? Une situation du genre « je cours tout le temps et je soupire d'aise parce que ma journée est enfin finie et que je peux me mettre au lit avec un bouquin », un moment que vous attendez avec impatience, une sorte de bouée au milieu de la frénésie du boulot... Et puis Bam... Perte de temps. Rien de ce que vous attendiez de ce roman ne se produit. Pas de gloussements, pas de rires à peine contenus, pas de gorge qui se serre, pas de papillons qui s'agitent. Rien. Nada. Nothing. Une perte de temps je vous dis...

J'avais apprécié les tomes précédents, même si je ne me souvenais pas vraiment de la raison pour laquelle j'avais délaissé cette série. Maintenant je le sais, la lassitude de la répétition. Et une Sookie insupportable... Et des personnages un peu fades, malgré un Eric sexy et charismatique (et beau comme un Dieu!) et une Pam à l'humour accrocheur. Mais justement, dans ce tome, Sookie est toujours aussi insupportable (elle mérite une palme) et Eric n'est ni drôle, ni vraiment sexy... Sans parler de Pam qui a perdu tout son mordant. Bon, si je suis honnête, il y a quelques bons mots qui m'ont arraché un sourire, heureusement, sinon toute ma lecture aurait été un calvaire (dans ces cas-là, je maudis mon incapacité à arrêter un livre. Mais pourquoi est-ce que je culpabilise comme une dingue si je ne vais pas au bout? C'est vraiment n'importe quoi...), mais ils ont été trop rares pour que ce sentiment perfide ne s'estompe. La perte de temps. Alors que chaque minute m'est précieuse. grrrr


Et dire qu'il me reste encore deux tomes...

dimanche 13 décembre 2015

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur. Harper Lee

Dans une petite ville d'Alabama, à l'époque de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche.

Couronné par le prix Pulitzer en 1961, « Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur » s'est vendu à plus de 30 millions d'exemplaires dans le monde entier.

Qu'il est difficile parfois de commencer une chronique. L'on voudrait trouver les mots, ceux qui pourraient définir à la perfection les émotions ressenties pendant la lecture, et parfois, la page demeure désespérément blanche. Les mots sont absents, engloutis par les émotions qui battent encore au fond de nous.

C'est exactement ce que je ressens à ce moment précis. Je ne trouve pas les mots, ils glissent comme des grains de sable entre mes doigts, ils me semblent trop pauvres pour décrire cette déferlante qui pulse encore en moi.

Le titre « Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur » m'était familier. J'avais déjà rencontré ce roman, au détour d'une critique peut-être, sur une étagère d'une libraire sans doute, mais je n'arrivais pas à déterminer à quel genre il appartenait, à quelle époque il avait été écrit, et par qui. C'était un titre qui flottait dans mon esprit, sans que je réussisse à trouver une prise à laquelle me raccrocher. C'est maintenant chose faire. « Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur » a laissé une empreinte indélébile en moi.

Le récit nous transporte à Maycomb, en Alabama dans les années 1930. La récession frappe cette petite ville rurale et ségrégationniste où se côtoient tant bien que mal populations blanche et noire.

Scoop est une petite fille indépendante et rebelle. Sa tante Alexandra voudrait qu'elle se comporte comme la petite fille modèle qu'elle devrait être en souvenir de la grandeur passée de la famille. Porter des robes, ne pas jurer, ne pas interrompre les adultes, surtout les hommes, servir le thé, ne pas avoir l'esprit trop vif, sourire, acquiescer et faire attention à sa coiffure... Tout ce que Scoop déteste. Tout ce que Scoop n'est pas. Elle adore sa salopette poussiéreuse et suivre son grand-frère Jem comme son ombre dans des aventures dangereuses telles que courir plus vite que le vent devant la palissade de la maison de Boo Radley, celui qui ne sort jamais, ou grimper aux arbres avec Dill, l'ami qui vient passer l'été chez une voisine. Elle aime beaucoup Calpurnia, leur cuisinière noire qui lui a appris à lire, mais ne comprend pas pourquoi la maîtresse à l'école s'échine à lui dire que savoir déjà lire à son âge n'est pas bien.

Et puis il y a Atticus Finch, son père. Un avocat taciturne qui encourage son esprit d'indépendance, même s'il n'hésite pas à poser des limites aux jeux de ses enfants. Le respect. Voilà ce qui compte à ses yeux. Il faut toujours respecter les autres, même dans les jeux d'enfants.

Le temps s'écoule au rythme des aventures de cette joyeuse troupe, et de Scoop qui découvre le monde, même s'il y a des chose qui lui échappe. Pourquoi ne peut-elle pas aller chez Calpurnia le dimanche ? Elle aimerait tant voir sa maison et manger des gâteaux dans sa cuisine. Et pourquoi tant d'animosité envers ce Tim Robinson et envers son père qui le défend ? C'est un procès, on a tous le droit à un procès, c'est ce que lui ont expliqué Atticus et Jem. Cela lui semble normal. Alors en quoi celui-ci est-il différent ? Pourquoi les gens crachent-ils en croisant son père ? Parce que Tim est noir ? Mais noir ou blanc, quelle différence ?

Oui, quelle différence ? Personne ne peut lui répondre, c'est comme cela. Même Calpurnia ne veut pas lui expliquer pourquoi elle parle différemment quand elle est dans son quartier. Le monde est comme cela. On ne se mélange pas. Pas encore.

Alors Scoop va chercher à comprendre, elle ne veut pas perdre une miette du spectacle qui se joue sous ses yeux. Elle analyse avec sa logique toute enfantine, et cherche à comprendre cette comédie dramatique. Même son père joue un rôle, lui qui était le meilleur tireur de Maycomb et qui n'en est pas fier. Il n'en avait même pas parlé à ses enfants ! Il ne lui avait rien dit ! Son père qui ne veut pas que l'on tire sur l'oiseau moqueur. L'on ne tire pas sur l'innocence. L'on ne tire pas sur la vie. Malheureusement, la population de Maycomb n'est pas encore prête à ce constat, et le triste spectacle qui se déroule sous nos yeux m'a arraché des larmes.

Fidèle portrait de l'Amérique de l'époque aux reflets tellement contemporains, « Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur » est un roman qui marque. Roman de l'enfance, léger parfois, drôle aussi, roman initiatique, roman qui porte le regard sur une réalité acide, sans concessions... 1930- 2015... Les temps ont changé, mais on a toujours tendance à tirer sur l'oiseau moqueur. 

J'ai savouré ce récit, j'ai adoré ces lignes. Un livre que tout le monde devrait lire.