vendredi 30 septembre 2016

Aux petits mots les grands remèdes, Michael Uras

Alex, notre héros passionné par les livres, a choisi d’exercer le métier peu commun de bibliothérapeute. Sa mission : soigner les maux de ses patients en leur prescrivant des lectures. Yann, l’adolescent fragile qui s’est fermé au monde ; le cynique Robert, étouffé par son travail et qui ne sait plus comment parler à sa femme ; Anthony, la star de football refusant de s’avouer certaines de ses passions... Tous consultent Alex. Mais qui donnera des conseils au bibliothérapeute lui-même?
La clé du bonheur se trouve-t-elle vraiment entre les lignes de ses livres chéris ?

J'aime offrir des livres, ils sont pour moi un excellent moyen pour exprimer ce que ma timidité, ma pudeur, ma maladresse m'empêchent souvent de dire avec des mots. Il y a toujours un ouvrage qui correspond à une situation, un ouvrage qui parlera, j'espère, à celui qui le reçoit et lui apportera ce dont il a besoin à un moment donné. J'appartiens à cette catégorie de gens un peu loufoques qui pensent que les livres ont une voix, qu'ils parlent. Je suis sensible à leurs mots, à leur message. Alors la bibliothérapie ? Pourquoi pas...

Alex est né au milieu des livres, il vit parmi eux, avec eux. Même son prénom n'est pas le fruit du hasard, Alexandre Dumas, ça vous dit quelque chose ? Merci maman... Merci cette femme froide et peu maternelle qui a fait des livres son quotidien, en oubliant une chose essentielle : la vie.

Malgré ce qu'il a vécu avec sa mère, Alex est convaincu qu'ils  n'excluent pas de la vie, qu'ils peuvent guider le lecteur quand les doutes, les interrogations jalonnent ses pas. Ils ont un rôle à jouer, peuvent être une sorte de phare dans la nuit. Le métier de bibliothérapeute s'est donc tout naturellement imposé à lui.

Le récit s'attarde sur sa relation avec ses clients, de leur rencontre à leurs lectures qui sont autant de pistes qui sauront dialoguer avec eux. Yann, l'ado brisé qu'un accident de voiture a privé de sa voix et qui vit reclus, surprotégé par sa mère, Anthony, la célébrité qui fixe les entretiens, Chapman qui a oublié comment vivre, pris dans la frénésie de son travail, tous sont autant de portraits différents qui croisent sa route. Et enfin, il y a, lui, Alex, qui vient d'être abandonné par Mélanie, la femme de sa vie. On découvre ses interrogations, ses doutes, ses difficultés, ses peurs et failles aussi. Parce qu'on ne peut se cacher éternellement derrière les livres, il faut parfois accepter de sauter à pieds joints dans la vie, même si l'atterrissage est incertain.

Le récit est ponctué d'allusions à des ouvrages intemporels qui apportent des réponses au détour d'une question, des fragments de textes s'y insèrent discrètement, comme une évidence. Les mots écrits par d'autres envahissent le récit d'Alex, et ce qui était valable pour le client le devient aussi pour lui, pour nous peut-être. Le rythme est lent, trop lent parfois, mais j'ai vraiment passé un agréable moment de lecture. Les personnages sont assez surprenants dans leur construction qui se fait par petites touches et j'ai redécouvert certains classiques, ayant même très envie de sortir l'Attrape-coeurs de ma PAL. Un bémol toutefois, pourquoi ne plonger que dans les classiques ? La littérature est riche de tous les livres, et je crois que le bien-être peut venir parfois de genres plus décriés pour ne pas dire méprisés. Dommage qu'ils aient ainsi été oubliés...


vendredi 16 septembre 2016

Felix Funicello et le miracle des nichons, Wally Lamb

1964, dans la petite ville de Three Rivers, Connecticut. Felix, 10 ans, fréquente l'école catholique St Aloysius, où sévissent entre autres la très psychorigide sœur Dymphna et Rosalie Twerskie, première de classe et du poil aux pattes : le genre de pimbêche à lever le doigt avant la sonnerie pour s'assurer qu'il n'y a pas de devoirs, juste au cas où. Le soir, après la classe, Felix retrouve le diner famililal et tente tant bien que mal de faire ses devoirs, tout en admirant, crayon à la bouche, le poster de la star de cinéma Annette Funicello, qui, pour la plus grande fierté de ses parents, est une cousine éloignée... Mais un jour, tout dérape. À cause d'une sombre histoire de paille, de boulettes de papier et de chauve- souris, sœur Dymphna finit délirante sous un bureau et se voit envoyée en maison de repos. Débarque alors l'incroyable Madame Marguerite, québécoise, pull-over rouge moulant, talons hauts et jupes fendues : le genre exotique pour les environs. Et comme les bonnes nouvelles n'arrivent pas seules, elle est suivie de près par Zenhya, jeune fille russe au caractère bien trempé, un franc-parler saisissant, déjà du monde au balcon, et une éducation sexuelle très avancée. Et Felix Funicello grandit, et Felix Funicello s'émerveille. Entre la découverte des baisers à la française, les premiers frissons de l'école buissonnière, la jouissive descente aux enfers de Rosalie Twerskie et le si énigmatique parfum « Cognac » de la prof, le CM2 du jeune garçon sera grandiose, et la fête de fin d'année inoubliable. Qui sait, peut-être pourra-t-il voir Annette autrement qu'en poster ? Et l'embrasser pour de vrai ?

A dix ans, j'avais des couettes ou des tresses suivant l'humeur du jour de ma mère et je la suppliais de me laisser aller en vélo à l'école, pour faire comme les grands. 

A dix ans, mon meilleur copain s'appelait Séverin, et il avait les clés de sa maison autour de son cou -le chanceux! je pensais à l'époque- parce que ses parents travaillaient beaucoup, et il venait parfois en pantoufles en classe parce qu'il oubliait de mettre ses chaussures.

A dix ans, j'étais terrorisée par les mauvaises notes et ne savais pas sauter à la corde, manque de coordination, une corde à sauter dans les mains et je manquais de décapiter tout le monde (d'ailleurs, je ne suis pas plus habile maintenant... ).

A dix ans, j'en faisais de choses, je vivais dans un univers peuplés de rêves et d'aventures en tout genre (ça n'a pas changé non plus) et j'essayais de comprendre le monde qui m'entourait.

Un peu comme Felix.

Felix est le plus petit de sa classe et le deuxième juste derrière Rosalie Twerski, la fayotte de service, vous savez, celle qui a toujours la main levée et n'hésite pas à dénoncer ces camarades. Lonny est son meilleur copain. Il est plus grand que lui, mais c'est normal, il a deux ans de plus, et lui, contrairement à Felix, il s'installe au fond de la classe, ou plutôt on l'installe au fond de la classe. Parce que Soeur Dymphna n'est pas facile. En plus d'être sévère, elle a une légère tendance à la dépression et au passage de films en classe quand le rideau noir s'abat sur elle. Et par un fâcheux concours de circonstances (auquel Félix est bien évidemment étranger, il est beaucoup trop sage avec ses boucles brunes et son air de premier, euh.. second de la classe, non, ça n'a rien à voir avec ses tirs qui ont malencontreusement raté leur cible pour atteindre un obstacle non identifié et imprévu), Soeur Dymphna se voit obligée d'abandonner l'école et est remplacée par Melle Marguerite, la nouvelle instit', une laïque dans une institution privée, qui arrive avec ses manières libres et son français québecois.

L'année scolaire qui s'annonçait insipide devient franchement plus... originale.

Wally Lamb nous livre dans un portrait tendre et teinté d'humour de l'enfance qui découvre la vie. Felix est grand maintenant, il a dix ans, il comprend tout, ou presque. Et ce qu'il ne comprend pas, il doit le comprendre pour ne pas être ridicule, l'adolescence est sur le pas de la porte. Son copain Lonny sait plein de choses, il fait des blagues qui font rire tout le monde, un peu comme Chino, le serveur du restaurant de la famille, mais Felix ne peut surtout pas avouer qu'il ne comprend pas toujours leurs blagues. Il se pose des questions, la sexualité commence à l'interpeler et il a essayé de demander des explications à son père, mais celui-ci évite la question et trouve des excuses. Il se défile.

Felix porte un regard naïf sur l'Amérique des années 60, sur la modernité qui envahit le monde, les concours de cuisine et les spectacles à l'école, sur la famille, sur les amis (Zhenya et sa langue qui fourche est un personnage déluré très rafraîchissant dans ce contexte de Guerre Froide et de la peur de l'autre) et sur tout ce qui semble important quand on a dix ans.

C'est un roman que j'ai apprécié mais qui m'a un peu laissée sur ma faim. Il aurait pu me marquer, mais malheureusement, je n'en garderai pas un souvenir impérissable. Sans savoir pourquoi, j'avais en tête Netirez pas sur l'oiseau moqueur en attaquant le récit (qui n'ont de point commun que le récit de l'enfance), et peut-être que cela a conditionné ma façon d'aborder la trame. La première partie a manqué de rythme à mon goût, mais a malgré tout été compensée par la fin qui m'a fait franchement sourire, comme un diesel qui met du temps à démarrer.

Par contre je m'interroge, pourquoi ce titre dans la version française ? On est bien loin du Wishin' and Hopin' original...

jeudi 15 septembre 2016

Les mots entre mes mains, Guinevere Glasfurd

Helena Jans van der Strom n’est pas une servante comme les autres. Quand elle arrive à Amsterdam pour travailler chez un libraire anglais, la jeune femme, fascinée par les mots, a appris seule à lire et à écrire. Son indépendance et sa soif de savoir trouveront des échos dans le coeur et l’esprit du philosophe - René Descartes. Mais dans ce XVIIe siècle d’ombres et de lumières, leur liaison pourrait les perdre. Descartes est catholique, Helena protestante. Il est philosophe, elle est servante. Quel peut être leur avenir ?
En dévoilant cette relation amoureuse avérée et méconnue, Guinevere Glasfurd dresse le portrait fascinant d’une femme lumineuse, en avance sur son temps, et révèle une autre facette du célèbre philosophe français.

On connait beaucoup de choses sur René Descartes, son Discours de La Méthode en a fait l'un des fondateurs de la philosophie moderne, mais finalement, on ignore presque que tout de sa vie personnelle, amoureuse.
"Les mots entre mes mains" a l'ambition de combler ce vide, d'utiliser la force de l'imagination pour reconstituer, à partir de bribes d'archives, des pans de vie du philosophe.

Le résultat est solide et cohérent. Le résultat est convaincant, je suis bluffée.

Helena a bel et bien existé.
Elle savait bel et bien écrire.
Et elle a bel et bien eu une fille avec Descartes.

Voilà trois des lignes directrices de ce roman, voilà les trois lignes directrices d'une femme bien différente de celles de sa condition à l'époque. Tout opposait Descartes et Helena : leur situation, leur religion, son travail à lui, son travail à elle. Tout les opposait, mais pourtant... un enfant est né de leur union, une petite fille que Descartes a reconnue.

L'auteure construit avec la rigueur d'un chirurgien ce qui a pu se produire entre eux. L'amour, la passion, les difficultés et autres obstacles, l'obsession, la tendresse... J'ai énormément aimé les risques que Guinevere Glasfurd a décidé de courir, l'Histoire est passée au service du roman et elle nous dresse un portrait passionnant et fidèle de l'époque. L'écriture sied parfaitement à la trame, elle ne tombe pas dans une langue qui aurait pu sembler archaïsante, mais offre un langage suffisamment travaillé pour nous emmener dans un voyage dans le temps. Entre ces lignes, entre ces mots, nous sommes là, avec Descartes et ses explorations pour sa Méthode, avec Helena et ses questionnements, avec Descartes et Helena unis par leur amour. Entre ces lignes, j'ai vibré, ressenti de la fureur face à l'injustice, et j'ai été attendrie...

L'ouvrage refermé, j'ai senti la curiosité de me plonger dans la vie de Descartes pour démêler le vrai de l'imagination, et la frontière est mince, très mince.

Un livre à découvrir et à savourer...

Pour lire l'avis du Chat, c'est ici !


dimanche 11 septembre 2016

Vengeance haute-couture, Rosalie Ham

1951. Tilly Dunnage est de retour. La petite bâtarde autrefois chassée de chez elle par les préjugés et l’hostilité des bien-pensants est devenue une jeune femme incroyablement élégante et provocante, pour qui le style et le chic de Paris n’ont plus aucun secret. Elle affole les hommes et suscite l’envie des femmes. Sa revanche, elle la tient : toutes celles qui aujourd’hui encore la méprisent veulent à tout prix ses conseils, et ses robes. Tilly coud. Tilly coupe. Mais, en fait, Tilly prépare en secret le grand finale qui vengera son enfance blessée et lui rendra sa dignité. En ne laissant que cendres derrière elle. Et un amour impossible…

Qu'il y a du monde à Dungatar et qu'il est difficile de s'y retrouver au début ! Les premières pages de ce roman m'ont laissée perplexe : on s'attarde sur les habitants de cette charmante bourgade et les scènes qui s'enchaînent de façon apparemment décousue sont autant de photos prises à différents endroits de la ville. Il faut bien reconnaître une chose, ces habitants paraissent... étranges. Oui, étranges. Pas dans le sens où il auraient été enlevés par des extraterrestres planifiant une invasion de la Terre, mais plutôt dans le sens de « il y a mammouth sous gravillon, cette charmante bourgade cache quelque chose ». Et le mammouth semble gros, très gros.

Finalement, ce début déstabilisant est rondement mené. Ces instantanés donnent un bon aperçu du décorum et des acteurs, et distillent le doute sur ce mammouth sous ce gravillon. Sans m'en rendre compte, je m'étais immergée dans l'histoire et je n'allais plus la lâchée.

Tilly, l'héroïne, est pratiquement absente de ces premières pages, mais c'est normal. Elle revient d'une très longue absence et elle prend corps dans le récit au fur-et-à-mesure qu'elle occupe l'espace dans la vie de la population. Par crainte de trop en révéler, je ne m'attarderai pas davantage sur la trame. Il faut la taire pour ne pas gâcher le plaisir.

Sachez juste que les personnages sont truculents, qu'il y a beaucoup d'humour mais que ce n'est pas pour autant un roman drôle, que ma gorge s'est serrée et que j'ai même versé quelques larmes de surprise ou de colère, je ne sais pas vraiment, sans doute un mélange des deux. L'écriture est parfois aride, aussi aride que les habitants, mais elle est d'une efficacité redoutable. Elle insuffle un vrai dynamisme au récit, une vraie respiration à la vie de Tilly.

A l'heure où j'écris ces mots, je peste d'ailleurs encore contre certaines décisions de l'auteur, même si, pour être honnête, elle ne pouvait en prendre de meilleures.

Le roman d'une femme, le roman d'une vie, un roman qui mélange les genres, qui dépeint un portrait au vitriol d'une société qui n'accepte pas la différence.


Une très agréable découverte...

jeudi 8 septembre 2016

Ainsi fleurit le mal, Julia Heabelin

À seize ans, Tessa est retrouvée agonisante sur un tas d'ossements humains et au côté d'un cadavre, dans une fosse jonchée de milliers de marguerites jaunes aux yeux noirs. Partiellement amnésique, seule survivante des " Marguerite " – surnom que les journalistes ont donné aux victimes du tueur en série –, elle a contribué, en témoignant, à envoyer un homme dans le couloir de la mort. Terrell Darcy Goodwin, afro-américain, le coupable parfait pour la juridiction texane.
Presque vingt ans ont passé. Aujourd'hui, Tessa est une artiste et mère célibataire épanouie. Si elle entend parfois des voix – celles des Marguerite qui n'ont pas eu sa chance –, elle est toutefois parvenue à retrouver une vie à peu près normale. Alors, le jour où elle découvre un parterre de marguerites jaunes aux yeux noirs planté devant sa fenêtre, le doute l'assaille... Son " monstre " serait-il toujours en cavale ? La narguerait-il ?

Oh my god ! Oh my god ! Oh my god !

Voilà bien longtemps que je n'avais pas lu un thriller aussi addictif que celui-ci...

¡ Dios mío ! ¡ Dios mío ! ¡ Dios mío ! Il est diabolique, délicieusement diabolique.

Tessa a vécu un drame, c'est une Marguerite, l'une des victimes d'un tueur en série, la seule qui en a réchappé. Depuis, elle vit avec ses cauchemars et ses fantômes. Le coupable Terrell Darcy Goodwin est en prison, il va être exécuté, du moins c'est ce que tout le monde pense et espère. Enfin, presque tout le monde. Certaines personnes essayent de prouver son innocence, et s'il y a une chose dont Tessa est sûre désormais, c'est qu'il n'est pas le tueur aux marguerites. Et les petites voix des Marguerites qui l'accompagnent au quotidien et résonnent dans sa tête sont d'accord avec elle.
Commence une course contre la montre, non seulement pour prouver l'innocence de Terrell, mais aussi pour trouver la paix de l'esprit et rendre aux Marguerites ce qui leur est dû : la vérité.

Que dire de ce roman ? Les mots me manquent, et ce n'est pas chose habituelle. Je suis encore habitée par le récit, par la fragilité apparente de Tessa, la complexité de ses pensées, de son introspection, sa lutte dans son combat quotidien pour ne pas être qu'une Marguerite pour être Tessa, la femme et la mère de Charlie. Je suis encore hantée par cette descente dans le système judiciaire américain, par cette plongée dans la psyché de l'être humain la frontière entre raison et folie est mince, par la tension omniprésente du récit.

Les personnages sont extrêmement bien travaillés, chacun d'entre eux possède une vraie profondeur, des forces, des failles, des questionnements. Ils sont autant de pistes vers cette vérité que cherche Tessa, autant de garde-fous pour ne pas sombrer.

Le récit suit, la plupart du temps, ses pensées en alternant passé et présent et confronte Tessie, l'adolescence meurtrie et traumatisée et Tessa, la femme qui tente d'avancer au quotidien. Son évolution est visible, elle n'est plus celle qu'elle a été, elle n'est plus cette adolescente qui témoignait contre son gré alors que la seule chose qu'elle désirait plus que tout c'était oublier, que la vie reprenne son cours normal.

Chaque détail à son importance, c'est une véritable enquête policière que nous livre Julia Heaberlin, et comme l'on s'en doute bien, la vérité n'est pas aussi simple qu'on ne le croit. J'avais beau me préparer à des surprises, c'est le jeu de ce type de roman, je dois reconnaître que je n'avais rien vu venir. Je pouvais avoir des doutes, quelques soupçons, mais pas comme ça, pas pour ça. Ce roman est vraiment bien construit et l'on sent un énorme travail de la part de l'auteur en ce qui concerne les techniques scientifiques de recherche. Tout s'emboîte parfaitement, et la dernière page tournée, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que oui, je n'avais rien vu venir, alors que pourtant, j'avais tout sous les yeux.

J'ai adoré, vraiment adoré, même si je dois le reconnaître, le barrage de ma couette a été un peu mince pour me protéger des ombres du récit. Je suis une âme sensible et en éteignant la lumière, j'avais un peu peur de trouver moi-aussi des marguerites jaunes le lendemain matin. Mais qu'il a été bon de ressentir cette tension!

Ce roman est une véritable réussite !

dimanche 4 septembre 2016

L'incandescente, Claudie Hunzinger

Des jeunes filles qui sont des Enfants terribles s’écrivent des lettres d’amour.
« Marcelle était la pire et ma préférée. »
Toutes fuient la mort. La mort les rattrape. Elles y mettent le feu.
Elles sont du côté de la vie. Leur pays est l’adolescence, ce passage de tous les dangers.

C'est un roman singulier que nous livre Claudie Hunzinger, un roman-immersion dans l'histoire de sa mère, Emma, la belle Emma qui fascine tant, un roman-plongée dans ses amours avec Marcelle, cette relation débutée à l'adolescente et qui se prolongera dans le temps. L'auteure, au gré de la lecture de lettres que sa mère écrivait à/ recevait de Marcelle, va exhumer le passé pour tenter de comprendre sa personnalité insaisissable.

Claudie Hunzinger flirte avec les genres littéraires, autobiographie, biographie, autofiction, elle dialogue avec le passé et restitue une époque, des moments de vie à partir d'extraits de lettres, de photos ou même de ses propres interrogations. Elle intervient régulièrement dans le récit et interpelle Marcelle, cette fille au désir si brûlant et qui elle aussi a souffert de l'abandon de la belle Emma. Marcelle finit d'ailleurs par occuper totalement l'espace du récit, l'on vit avec elle cette maladie qu'il ne faut pas nommer -la tuberculose-, son amour pour Emma, et la perte de ses amies.

Les premières pages de ce récit m'ont beaucoup déstabilisée et auraient pu me faire sortir de ces mots. Il y règne une certaine confusion, celle de la mémoire qui tente de se souvenir, celle de ces lettres qu'on lit, qu'on ne comprend pas tout de suite, mais qui finissent par s'imbriquer pour compléter le puzzle. Mais le contraire s'est produit. Je me suis plongée moi aussi dans cette découverte d'Emma, dans cette rencontre avec Marcelle sans pouvoir m'arrêter, et cette Marcelle tourmentée, je l'ai énormément appréciée. J'ai eu le sentiment que Marcelle -l’aimée-, celle qui a vécu dans l'ombre de Marcel-l'élu- était soudain libérée et prenait vie dans ce qui, en plus d'être une sorte d'enquête sur une femme, est aussi le fidèle reflet d'une époque. Le récit est vraiment très efficace et nourri par une plume travaillée, portée par la simplicité du cœur.

D'ailleurs, je n'espère qu'une chose, que viendra aussi celui de Marcel, le père de Claudie Hunzinger, ce fantôme qui flotte entre deux lignes et qui ressurgit ponctuellement pour nous rappeler sa présence. Il m'a réellement interpelée, ma curiosité est piquée. 

Ce roman est le deuxième volet d'une trilogie, je vais vite me procurer le premier.