Deux
hommes disparaissent à Madrid. Un autre à Paris et une femme à
Buenos Aires. Chaque fois, le même scénario : les victimes sont
enlevées et leur cadavre retrouvé mutilé. Toutes ont aussi un
passé commun : leur combat contre les dictatures d’Amérique
latine dans les années 1970 et 1980.
Parmi
ces disparus figure l’un des amis du journaliste madrilène Diego
Martín. Il décide de se pencher sur cette affaire pour son émission
de radio, aidé par la détective Ana Durán, sa complice de
toujours, et par l’avocate Isabel Ferrer.
Une
enquête de tous les dangers qui va les mener de l’Espagne à
l’Argentine en passant par le Chili, et les obliger à se
confronter aux fantômes de l’Histoire. Ce qu’ils découvriront
fait froid dans le dos, car, quarante ans après l’opération
Condor, le rapace continue de voler.
La
mémoire est faite d'ombres imprévisibles, elle peut être fluctuante au
fil des années, devenir une page blanche que l'on voudrait à tout
prix réécrire, ou elle peut aussi graver dans le marbre ce qu'on
préfèrerait oublier. Poids que l'on traîne attaché à notre
cheville, elle freine nos mouvements vers un avenir qu'on espérerait
sûr. Et dans ce cas, pas de page blanche, mais une empreinte
indélébile, pire qu'un phare dans cette nuit qu'on espérait
suffisamment épaisse pour nous cacher. Il n'y a malheureusement
qu'une certitude : si on n'oublie pas, les autres non plus.
J'ai
découvert Marc Fernandez un peu par hasard, au détour de promenades sur le net, et le sujet de son premier roman, Mala
Vida, m'avait beaucoup interpellée
tant il est méconnu en France : le drame des bébés volés
sous le Franquisme en Espagne. J'avais réellement apprécié ma lecture qui
plongeait avec une précision d'orfèvre dans le cœur de cette Espagne
qui tente de se reconstruire. Son deuxième roman ne
pouvait donc que m'intéresser, d'autant plus qu'il aborde une autre
facette sombre du monde hispanique : les dictatures
latinoaméricaines des années 70-90, ces pieuvres qui avaient étendu
leurs tentacules à travers tout le continent et dont l'ombre veille
toujours.
On
retrouve les personnages de Mala Vida, Diego, David, Ana, Isabel,
mais nul besoin de l'avoir lu pour se plonger dans ce récit. La vie a
continué depuis le scandale des bébés volés, et ils sont plus
unis que jamais. Le bar Casa Pepe est l'un de leurs lieux de rendez-vous,
et Carlos, celui qui le tient, un ami fidèle. Une série
d'assassinats étranges va faire éclater une autre affaire qui a, elle aussi, défié le temps. Le "Commando Libertad", qui a essayé de
faire disparaître Pinochet, semble en être la cible. Ses anciens membres, éparpillés un peu partout dans le monde, disparaissent les uns après les autres, sans
autre explication que leur corps abandonné sans vie. Carlos était
l'un d'entre eux.
Commence
un véritable travail d'investigation pour comprendre quel monstre se
cache derrière ces atrocités et sauver Carlos.
L'écriture
de Marc Fernandez se prête parfaitement à ce type de roman, elle
prend des accents journalistiques qui insufflent au récit les
battements de cœur d'une véritable enquête vers la vérité. Comme
pour Mala Vida,
les faits sont documentés, précis et rendent compte d'une époque
que l'on pensait révolue mais dont le spectre plane toujours
au-dessus de l'Amérique Latine. On n'oublie pas, victime, bourreaux,
pas de bouton reset
possible. La peur est tenace, la vengeance aussi, et la soif de
pouvoir encore plus.
Ce que nous relate Marc Fernandez est tellement
vraisemblable que cela fait froid dans le dos et nous rappelle
combien nous évoluons sur un fil fragile.
Une
excellente lecture qui m'aura arraché quelques larmes à la fin.
J'en redemande !