jeudi 28 décembre 2017

Les lois de la gravité, Jean Teulé.

Une femme pénètre dans un commissariat et avoue avoir assassiné son mari dix ans plus tôt, jour pour jour. Demain son crime sera prescrit…

Tout part d’un fait anodin, un de ces faits divers que l’on pourrait lire dans la presse. Une femme comme les autres, sur laquelle vous ne vous retourneriez pas dans la rue, entre dans un commissariat. Le lieutenant Gilles Pontoise est là, la nuit s’annonce tranquille. Il aime la nuit et son obscurité qu’il laisse régner dans son bureau, ne tolérant que l’écran de son ordinateur. La nuit est noire, mais ne porte pas la noirceur des gens.

Et entre ce petit bout de femme, elle s’assoit.

Avec elle entre la noirceur. Elle est là pour confesser un crime. Celui de son mari, décédé des années plus tôt. Accident, suicide, avait conclu la justice. Il est tombé d’un balcon. Non. Il n’est pas tombé. Elle l’a poussé. Et refuse de porter un jour de plus ce fardeau. Elle veut se dénoncer.

Commence son histoire, celle d’une femme malheureuse, maltraitée. Commence un huis-clos déroutant. Et commence une série de dilemmes : faut-il dire la vérité ? Faut-il l’accepter ? La justice est-elle toujours la justice ?

J’ai littéralement adoré ce roman très court dont les mots font mouche. On y retrouve la plume de Jean Teulé que j’aime tant, il a l’art de manier les mots et le verbe. Le récit pose, derrière une apparente légèreté, de vraies questions et explore la zone d’ombre que l’on porte en nous.

Elle est humaine. Il est humain. Aucun des deux n’est parfait. Il passera la nuit à essayer de la convaincre de ne pas se dénoncer, elle passera la nuit à essayer de le convaincre qu’il doit l’arrêter.

L’une des grandes qualités de Jean Teulé est qu’on ne peut pas prévoir la fin. Ses récits sont construits de telle façon qu’il ouvre la porte à tous les possibles, et le récit est d’autant plus savoureux.


Un petit bijou à découvrir !

mardi 26 décembre 2017

"Les disparus du Clairdelune", La passe-miroir, tome 2, Christelle Dabos.

Fraîchement promue vice-conteuse, Ophélie découvre à ses dépens les haines et les complots qui couvent sous les plafonds dorés de la Citacielle. Dans cette situation toujours plus périlleuse, peut-elle seulement compter sur Thorn, son énigmatique fiancé ? Et que signifient les mystérieuses disparitions de personnalités influentes à la cour ? Sont-elles liées aux secrets qui entourent l’esprit de famille Farouk et son Livre ? Ophélie se retrouve impliquée malgré elle dans une enquête qui l’entraînera au-delà des illusions du Pôle, au cœur d’une redoutable vérité.

Ouh là, mon blog a été mis en pause pendant un peu trop de temps. Comme vous vous en doutez, j’ai été débordée, ensevelie sous le travail et la correction de mes deux manuscrits qui vont paraître en 2018. Malgré tout, j’ai lu. J’ai beaucoup lu. Honte à moi d’ailleurs. Mais j’ai été raisonnable, pas d’achats livresques. Oui, oui, je vous assure. Rien. (Le Chat, je te vois, inutile de me mimer le nez de Pinocchio...) Vous êtes fiers de moi n’est-ce pas ? Moi, je le suis. Seul problème, comme j’ai respecté mes vœux de non-achats, ma PAL a fondu comme neige au soleil. Et un sentiment insidieux d’angoisse face à ma PAL qui descend m’habite depuis quelques temps... Mais bon, je ne suis pas là pour vous parler de mes états d’âme, si on abordait le sujet essentiel : la lecture.

Ophélie a toujours été insignifiante. Avec sa maladresse pathologique, sa lourde tresse, ses lunettes, son écharpe revêche, son manque de féminité, elle n’a jamais été de celles qui attirent les regards. Et pourtant, Farouk, l’esprit de famille de la Citacielle est intrigué. C’est ainsi qu’elle devient vice-conteuse, elle, la femme dont la timidité l’empêche de s’exprimer clairement. Il n’est pas le seul à être intrigué. Thorn, son futur mari l’est aussi. Parce que finalement, Ophélie n’est pas si insignifiante que cela.

J’avais adoré le tome 1, découvrant avec un plaisir presque enfantin les trésors d’imagination qu’avait déployés l’auteure dans la création de cet univers riche et varié. Je m’étais même demandé ce qu’elle pouvait manger (et boire !) pour avoir donné vie à ce monde si original. Et je ne peux que me poser de nouveau cette question après la lecture du tome 2. Christelle Dabos vit dans un monde à part et fait résonner un univers passionnant.

L’on retrouve tous les personnages du tome 1 auxquels s’ajoutent quelques-uns aussi hauts en couleurs que les autres. La mythologie qui entoure cet univers se précise, et devient en même temps plus complexe. C’est d’ailleurs un tour de force de la part de l’auteure que d’être capable d’émerveiller une nouvelle fois le lecteur alors que son histoire est lancée. Parce que c’est de cela donc il s’agit, d’émerveillement...

Au-delà de l’univers, je dois également admettre que je suis admirative face à la plume de l’auteure. Elle est riche, complexe parfois (elle utilise l’imparfait du subjonctif, oui, oui, dans un roman qualifié « jeunesse » !), poétique, juste... Bref, les adjectifs ne manquent pas pour en faire l’éloge.

Le résultat est une vraie réussite : un style travaillé, un monde original, de l’humour, de l’action, des personnages attachants (je suis fan de ce grand échalas de Thorn et de l’écharpe et de la marraine et de l’architecte et de... et de...)...


Vous l’aurez compris, je suis fan de cette série dans sa globalité. Seul bémol, le tome 3 est dans ma PAL (ouf, je vais survivre et mes ongles aussi), mais pas le 4. Il n’est pas encore écrit... Ahhhh, je sens que l’attente va être rude...

samedi 2 décembre 2017

En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut

Sous le regard émerveillé de leur fils, ils dansent sur « Mr. Bojangles» de Nina Simone. Leur amour est magique, vertigineux, une fête perpétuelle. Chez eux, il n'y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis. Celle qui mène le bal, c'est la mère, imprévisible et extravagante. Elle n'a de cesse de les entraîner dans un tourbillon de poésie et de chimères. Un jour, pourtant, elle va trop loin. Et père et fils feront tout pour éviter l'inéluctable, pour que la fête continue, coûte que coûte.
L'amour fou n'a jamais si bien porté son nom.

L’amour est folie et la folie est amour...

Le narrateur, un enfant qui vit enveloppé de l’amour de ses parents, se sent en parfait décalage avec le monde extérieur. Rien de ce qu’il voit ne trouve d'écho dans ses repères personnels. La maîtresse ne répond pas à ses questions, ses camarades l’ennuient, l’ordre dans la rue l’interpelle. Il n’y a que chez lui qu’il est bien, que chez lui où il peut être lui, parce que ses parents le lui ont appris depuis tout petit, être soi-même est essentiel. C’est d’ailleurs le cas de son papa, qui chaque jour, affuble d’un nouveau prénom son épouse. Et sa maman, elle aime danser, et a une grue en tant qu’animal domestique. Mademoiselle Superfétatoire. Vient dîner chez eux le gratin de la ville, qui rit devant les exubérances de ses parents. Parce que le bonheur, c’est cela, c’est être soi-même.

Mais si être soi-même n’était pas ce que l’on croit ?

Je me suis lancée avec une curiosité vive dans ce petit roman dont j’avais beaucoup entendu parler. Et force est de constater que je n’ai pu le lâcher. Derrière l’humour des mots, le regard enfantin du narrateur, les écrits du père, se cache une réalité plus dramatique, qui vous étrangle et vous fait voir le monde autrement. Mais comme la vie ne peut pas être tragique, elle se doit d’être fantastique, féérique, nos protagonistes s’efforcent de danser, de rire, de vivre, tout simplement. D’être ce qu’ils sont. 

Même quand l’indicible affleure, même quand la réalité les rattrape. 

Je me suis prise au jeu de ses mots, je me suis immergée dans cette folie, et je me suis rendu compte que finalement, ce récit n’était rien d’autre que celui de l’amour. Alors je me suis laissé porter, et la dernière page venue, j’ai versé quelques larmes. Parce que c’est ça l’amour aussi.

Un petit bijou à découvrir...


Pour lire les blablas de Nad et ManU sur ce roman, c’est ici ou ici.