mercredi 21 février 2018

Ma mémoire est un couteau, Laurie Halse Anderson

Cela fait cinq ans que Hayley Kincain vit en nomade, ne pouvant poser nulle part son bagage très longtemps, parce que son père, Andy, fuit les démons qui l'assaillent depuis qu'il est revenu de la guerre d'Irak.  Les voilà de retour dans la ville natale de ce père torturé, qui souhaite tout de même que sa fille puisse reprendre une vie scolaire normale.
Et voici que s'offre à Hayley les plus intoxicants des espoirs : vivre comme les autres adolescents de son âge, mettre enfin derrière elle ses propres souvenirs douloureux et, pourquoi pas, laisser une chance à son histoire avec Finn, le garçon canon qui lui tourne autour et semble partager avec elle le fardeau des secrets de famille.
Ce fragile équilibre va reposer sur la capacité du père à guérir de son syndrome post-traumatique. Mais les monstres tapis dans la mémoire d'Andy sont assez puissants pour l'entraîner en enfer au moindre faux pas. Entraînera-t-il sa fille dans sa chute ? Quelle place doit-elle tenir dans ce combat ? 

Laurie Halse Anderson est une auteure que j’aime beaucoup. « Je suis une fille de l’hiver » et « Vousparler de ça » m’avaient d’ailleurs tellement bouleversée que j’ai attendu avant de me plonger dans celui-ci. Petit cœur fragile vous comprenez... Et mes yeux bouffis le lendemain au réveil parce que 1/ j’ai lu jusqu’à pas d’heure, 2/ j’ai pleuré, ont tendance à inquiéter Doux Chéri. Il faut que je le préserve un peu !

Ça n’a pas manqué, lecture jusqu’à pas d’heure, larmes et un regard perplexe de Doux Chéri. Eh oui, voilà le pouvoir de la littérature, celui de vous briser le cœur pour le recoller ensuite.

Hayley et Andy, son papa, sont des voyageurs. Au volant d’un camion, ils sillonnent les Etats-Unis, jusqu’au jour où Andy décide qu’il est temps de poser leurs valises et de scolariser enfin Hayley. Premier jour, adaptation à un nouvel environnement, rencontres sont au programme pour la jeune fille, et ce n’est pas si simple... Elle n’a jamais eu une vie normale, elle ne connait pas les codes des adolescents de son âge. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’enfer personnel de Hayley n’est pas le lycée. Non, ce n’est qu’une étape de plus, une poussière sur son épaule. Son enfer personnel, c’est son père.

Andy est un ancien soldat, qui a vu et vécu bon nombre d’atrocités, et qui a dû rentrer parce que sa femme, la mère d’Hayley venait de décéder. Malheureusement, il porte en lui les séquelles, les traumatismes de son passé, et sa vie ne peut pas être celle de Monsieur-tout-le-monde. Par effet domino, celle d’Hayley non plus. Elle doit composer avec le tempérament variable de son père, son instabilité, elle doit être adulte avant l’âge et gérer celui qu’elle aime plus que tout au monde. Parce que c’est cela ce roman, une histoire d’amour, celui d’une fille envers son père et d’un père envers sa fille. C’est l’histoire d’une équipe, branlante parfois, mais d’une équipe quand même.


Comme d’habitude avec l’auteure, je me suis prise une claque immense en lisant ce récit. Le pouvoir de la plume de Laurie Halse Anderson est assez incroyable. Elle explore la psyché de ses personnages sans voyeurisme ou dramatisme exagéré. La simplicité de ces mots fait éclater les émotions. Le monde est cruel, la réalité crue. Mais on peut malgré tout vivre, même si l’équilibre est précaire. Les personnages sont très attachants, Hayley m’a fait sourire, Andy m’a émue, et Finn est un personnage très juste, lui aussi criant de vérité. 

Un bijou, ce roman est un bijou...

mercredi 14 février 2018

Cocktail de nouvelles !

Un pas de trop, Marie Tinet
« Malgré les interdictions des anciens, je veux savoir ce qui se cache au-delà de la grotte. L'oiseau bleu hante mes rêves, il m'appelle, m'attire vers le soleil brûlant. »
Encore un pas. Toujours un peu plus loin. Et un de trop...

Le collectionneur, Marine Gautier
Junéa est une captive parmi tant d’autres dans les boules à neige du collectionneur, sans espoir d’évasion. La donne pourrait bien changer lorsque le chat Rotimaron profite de l’oubli de son maître pour se faufiler dans la pièce aux fées...
Une fée, un magicien, une prison de verre... Un univers poétique & envoûtant.

Don de soi(e), Dominique Theurz
Tony désespère d’entrer en relation avec sa nouvelle voisine. 
L’araignée qui loge sous sa fenêtre décide de tout mettre en œuvre pour débloquer la situation. Son obsession : servir la naissance du couple. Ses efforts seront-ils récompensés ?
Une nouvelle humoristique subtilement tissée.

Cette année, je ne vois pas la fin de l’hiver se profiler à l’horizon. Pluie, neige, froid, excès de boulot... Ajoutez à cela le stress de la publication de mes deux premiers romans (« Mi vida es mía » et « Solo tú »), et vous avez une Livre-vie crevée. Mais vraiment crevée. Du genre neurones tellement en berne que je fais bêtises sur bêtises comme perdre ma carte bleue... Et ma carte d’identité. Autant de pas faire les choses à moitié me direz-vous...

Au milieu de cette fatigue, j’ai eu du mal hier soir à me concentrer sur un roman, mais il me fallait ma dose de lecture malgré tout, alors j’ai opté pour le format « nouvelles ». J’avais ces trois-là dans ma PAL... (Le Chat, no comment !) Eh bien, je devrais lire plus souvent des nouvelles. J’ai vraiment passé une bonne soirée avec ces trois textes très différents.

« Un pas de trop » m’a fait beaucoup pensé au mythe de la caverne de Platon, à ce monde que l’on nous cache, à ces pas que l’on fait, l’un après l’autre, vers un autre univers, vers la connaissance. L’écriture de Marie Tinet est très agréable, l’univers qu’elle recrée original avec cet oiseau bleu et cette quête d'un ailleurs inatteignable. Une jolie découverte.

Je connaissais la plume de Marine Gautier que j’avais appréciée dans le tome 1 de « Au cœur du Loch », et je l’ai encore davantage savourée dans « Le collectionneur ». L’auteure nous dépeint un monde où la cruauté flirte avec l’onirisme, où le monde est à l’image de l’héroïne, dans un équilibre précaire. Sous la forme d’un joli conte, se cache une certaine noirceur, parfaitement reflétée dans cette fin qui clôt idéalement le récit.

Et pour finir, j’ai changé complètement de registre avec « Don de soi(e) ». Le collectionneur m’avait envoutée, et changer d’histoire risquait d’être difficile. Mais c’était sans connaître l’humour de Dominique Theurz et son habilité avec les mots. D’une situation et d’une héroïnes improbables, l’auteur tisse un récit qui va crescendo et qui m’a arraché quelques francs sourires. L’on sent que chaque mot est pensé et que D. Theurz a pris un plaisir énorme en écrivant ces deux courts récits (il y a ensuite une micro-nouvelle), plaisir qui m’a été transmis... Et rien que pour cela, bravo à l’auteur !

Et voilà la magie des mots. Ces trois nouvelles très différentes m’ont fait passer un très agréable moment de lecture. Peut-être que je devrais en avoir toujours en stock ? (Le chat, je te vois venir ! Chuttttt)

samedi 3 février 2018

Hate to love, Penelope Douglas

Depuis plus de sept ans, Misha et Ryen échangent des lettres. Des lettres dans lesquelles ils se racontent, se livrent, se soutiennent. Une seule règle : ne jamais chercher à se rencontrer. Un interdit qui a convenu à Misha pendant toutes ces années. Il n’a pas besoin de connaître le visage de Ryen pour qu’elle soit sa muse, son inspiration, celle pour qui il écrit ses chansons et, quelque part, son âme sœur. Mais, un soir, il croise une jeune fille dont les goûts excentriques se rapprochent un peu trop de ceux que Ryen lui a décrits dans ses lettres pour que ce soit une coïncidence… Et alors, face à cette jeune fille d’une beauté solaire, renversante, Misha n’a aucun doute : il sait que c’est elle. Maintenant, impossible de résister, il doit s’approcher. Quitte à ne jamais révéler à Ryen qui il est vraiment. Et quitte à découvrir une Ryen bien différente de l’idéal qu’il s’était imaginé…  

Avec la sortie de la saison 1 de mon premier roman, « Mi vida es mía », j’avais besoin d’une lecture légère, pas prise de tête, qui me fasse penser à autre chose.  Naturellement, je me suis tournée vers de la romance, une valeur sûre.

Premier constat : « Hate to love » n’est pas une lecture légère.
Deuxième constat : malgré l’âge des protagonistes, le récit est porteur d’une certaine noirceur et aborde des thématiques sombres : le deuil, le harcèlement en sont des exemples.
Troisième constat : j’ai adoré. Vraiment adoré ! Je l’ai dévoré en une soirée!

Misha et Ryen sont correspondants, ils échangent des lettres depuis leur enfance. En grandissant, le plus naturel aurait été de se rencontrer, d’autant plus qu’ils n’habitent qu’à 30 minutes l’un de l’autre. Mais ils ont toujours refusé, préférant préserver ce qu’ils avaient et ne pas courir le risque de tout perdre. Du moins, c’est une règle qu’a imposée Ryen, parce que Misha, lui, aurait voulu franchir le pas. Une certitude fait battre le cœur de ce garçon depuis des années : c’est elle. Elle et personne d’autre.

Quand par le plus grand des hasards il la rencontre, un sentiment de déception se mêle à une excitation sans limite : elle n’est pas ce qu’il attendait. Elle est... Il n’y a pas de mots pour la décrire, mais il ne reconnaît pas son amie.

Il n’a pas le temps de se poser la question, la vie le rattrape, brutalement, comme si elle souhaitait lui rappeler qu’il y a des choses qu’on ne peut oublier.


En fermant ce livre, une émotion étrange m’a habitée. L’on dit beaucoup de choses sur la romance, notamment que ce n’est qu’un sous-genre, de la littérature facile, mais on oublie qu’elle aborde des thématiques lourdes de la société. Le mal-être adolescent, la peur de ne pas s’intégrer, l’angoisse d’être différent, le désir de vivre, l’absence, la perte, la culpabilité, tout ce qui agite une personne sur le point de franchir le seuil de l’âge adulte est finement abordé dans ce roman. Le portrait est sans concessions: Ryen est exaspérante parfois, Misha, malgré son charisme, est effrayant. Mais ils ne sont que le fidèle reflet de ce que nous sommes, des êtres complexes, plein de nuances dans un monde qui n’est ni blanc ni noir...

Quatrième constat: mon stress s'est envolé! Les livres ont vraiment des super pouvoirs!