dimanche 31 août 2014

Divergente, Tome 1, Veronica Roth

Tris vit dans un monde post-apocalyptique où la société est divisée en cinq factions. À 16 ans elle doit choisir sa nouvelle appartenance pour le reste de sa vie. Cas rarissime, son test d'aptitudes n'est pas concluant. Elle est divergente. Ce secret peut la sauver... ou la tuer.


Comme je ne suis pas une lectrice de l'immédiateté, j'ai beaucoup traîné avant de me plonger dans la trilogie Divergente. Et finalement, c'est aussi bien, parce que cela me permet d'enchaîner les tomes sans avoir à subir le supplice de l'attente entre leur publication.

Eh oui, que voulez-vous, je me suis prise au jeu de cet univers créé par Veronica Roth. Certains lui ont reproché son manque d'originalité par rapport à Hunger Games. Peut-être... Mais cela fonctionne, cela fonctionne même très bien.

Reprenons donc les fondations de ce roman : Tris est une jeune fille de 16 ans en quête de son identité. Elle doit choisir dans quelle faction elle passera le reste de sa vie, et donc indirectement, quelle est la faction qui correspond le mieux à ce qu'elle est. Difficile quand on ne sait pas précisément qui on est. Impossible quand on se rend compte que loin d'être un être ordinaire, on est différent selon les critères de la société. Elle choisit les Audacieux, ces êtres libres en apparence, mais bientôt -l'être humain étant ce qu'il est, maintenant ou dans un futur hypothétique- les conflits éclatent, et l'heure des choix arrive.

Chez les Audacieux, sa route croise celle de Quatre, son instructeur... Je vais encore passer pour une midinette, mais c'est bien évidemment le héros idéal. Même si, tout comme Tris d'ailleurs, son physique ne frôle pas la perfection, sa ligne de conduite, sa conception de la vie, en font un être presque parfait, qui vole même la vedette parfois à notre héroïne.

Si on ajoute des personnages secondaires bien présents, une action menée tambours battants, nous avons là les points forts de ce tome 1.

Le bémol, et malheureusement pas des moindres, touche l'écriture. Je n'ai pas adhéré à ce récit au présent, censé donner du mouvement, mais qui, pour moi, a eu l'effet inverse. Entendons-nous bien, je ne me suis pas ennuyée, loin de là, je me suis même déjà plongée dans le tome 2. Le récit se déroule à un rythme soutenu, frénétique même à certains moments, mais l'écriture aurait gagné à être davantage travaillée. Elle m'a semblé trop simpliste parfois en comparaison avec la complexité de l'histoire.

Mais finalement ce n'est peut-être pas si mal car en l'état actuel, j'ai déjà du mal à ne pas laisser cet univers envahir ma tête. Qu'en aurait-il été si je n'avais pas eu ces quelques réserves ?



vendredi 29 août 2014

Les Chicago Stars, « Nulle autre que toi », tome 1,Susan Elizabeth Philipps

"Vous n'aimez pas le football, mademoiselle Somerville ? C'est bien dommage, car votre père vous a légué son équipe". Phoebe n'en revient pas. Elle, patronne des Chicago Stars ! Avec pour mission de gagner le prochain championnat, si elle veut toucher sa part d'héritage ! Ultime pied-de-nez de son père qui l'a toujours méprisée. Ce défi, Phoebe entend bien le relever, même si elle doit s'imposer à ces gaillards machos, à commencer par leur entraîneur, Dan Calebow. Le plus teigneux de tous.

Avertissement: « Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite »

Pour mémo: Episode 1 , Episode 2, Episode 3
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Je tourne dans ma chambre en me rongeant les ongles depuis presque vingt minutes. Bientôt, il ne va me rester que des moignons en guise de doigts. Je devrais me dépêcher, je risque d'être en retard, et je suis convaincue que la Dame-Rousse-Générale-en-chef n'appréciera pas. Je butte sur le tapis et me retiens à mon bureau pour éviter de tomber. Il ne manquerait plus que je me fasse mal.

J'ai honte. Oui honte. Parce que j'ai replongé, et que je n'arrive pas à me sentir coupable de ma re re re re chute. Je vais devoir aller là-bas et dire : Bonjour, je m'appelle livre-vie, et je suis livres-addict, et ensuite confesser ma faute, celle d'avoir été tentée par un livre d'occasion pas très jeune, sur le milieu du football américain, qui fait plus de 600 pages, et que j'ai dévoré jusqu'à pas d'heure.

Je vais devoir dire que j'ai vibré pour Phoebe et son passé difficile, cet être brisé malgré une assurance apparente, et pour Dan, coach qui en ferait rêver plus d'une (je pense qu'on devrait songer à créer un fan club des types idéaux...). Je suis sûre que mes copines du cercle des livres-addict aimeraient beaucoup Dan d'ailleurs, et Ron aussi, et Viktor également, parce que l'auteur a vraiment su les rendre attachants.

Je vais devoir reconnaître, sur une chaise qui me fait mal aux fesses (et je ne suis pas sûre que la Générale-en-chef apprécie que j'apporte un coussin, ce n'est pas une rigolote...), qu'avoir aimé cette plume alerte et pleine d'humour est un pêché presque capital, et le Cerbère-Général-en-chef va encore insister pour avoir toutes les coordonnées du livre pour le mettre sur la liste des ouvrages interdits. Je suis même sûre qu'elle va me demander de le lui remettre, moi qui avait pensé le prêter à mes copines en douce.

Parce que c'est un peu ça les Chicago Stars, c'est un peu le livre qu'on se refile dans une enveloppe parce que la couverture est kitsch à souhait, mais dont on reparle ensuite avec ses copines autour d'un chocolat chaud (ou d'un bon verre de vin blanc!) en gloussant comme des idiotes.

Je m'assois sur le lit.

Je me demande si je ne pourrais pas faire une rapide prière aux Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-terre-du-ciel-et-de-la-mer pour qu'ils me dispensent d'y aller. Peut-être que je pourrais les convaincre que ce n'est pas si grave. Mais le sol est vraiment dur, je risque de m'écorcher mes genoux devenus trop sensibles, et je ne suis pas sûre qu'ils m'écouteront.

C'est qu'ils sont têtus les bougres ! Ils disent que j'ai une maladie qui me pousse à commettre des fautes graves, à avoir des lectures inadaptées, interdites. Moi je veux bien, je ne suis qu'une faible mortelle après tout. Ils disent qu'il faut demander pardon, pour ensuite pouvoir espérer guérir. C'est ce que je fais. Mais est-ce que je me sens mieux pour autant ? Je ne me sens jamais mieux que lorsque je lis une bonne romance qui me transporte, n'en déplaise aux Dieux...
Je continue de me ronger les ongles, une saveur métallique envahit ma bouche et je réprime un cri de douleur. Je suis allée trop loin. Si je ne fais pas attention, je vais tacher ma couette. 

Je ne comprends pas tout cela, je sais juste une chose, je vais être en retard, et je vais avoir mal aux fesses.

Et il va falloir que je parle avec mes copines du groupe, et vite...



mardi 26 août 2014

La vie en mieux, Anna Gavalda

Deux histoires.
Deux histoires de jeunes gens de notre temps, repus mais affamés, polis, mais enragés, qui préfèrent encore prendre le risque de se tromper de vie plutôt que de n'en vivre aucune.

Je vous ai déjà parlé de mon côté "lectrice obsessionnelle". Quand j'ai apprécié un roman, j'achète en général tout ce que l'auteur a écrit, et tout ce qu'il écrira ensuite, même si je ne le lis pas tout de suite, même si je ne le lis plus du tout. Ça m'est arrivé pour A. Nothomb. J'avais adoré Stupeurs et tremblements, Métaphysique des tubes et le Sabotage amoureux. Alors, j'ai sa production complète sur une de mes étagères, même si beaucoup de ses romans sont autant de déceptions pour moi. Tant et si bien d'ailleurs que je n'ai pas lu ses derniers, mais je les ai. Sait-on jamais. Au cas où...

J'en ai fait de même pour A. Gavalda.

La lecture de la première nouvelle qui compose ce recueil m'a passablement énervée. J'avais l'impression de relire Billie, que j'avais adoré, mais comme je l'ai déjà dit, il ne faut pas abuser des bonnes choses, sinon on frôle l'overdose. Et si Billie avait su me toucher, Mathilde m'a agacée. Son parler branché qui ne collait pas à sa formation, son côté « je suis perdue mais je cherche mon chemin »... Bref, aucune sympathie pour elle, des claques même !


Je me suis même demandée si j'allais attaquer la deuxième. Parce que bon, ce sont quand même des nouvelles longues, et je ne me sentais pas capable de supporter une deuxième fois une Mathilde en puissance. Mais je remercie grandement ma quasi impossibilité à abandonner un livre. J'ai persévéré, et j'ai rencontré Yann, qui n'a rien à voir avec Mathilde. Et je l'ai aimé. Pas d'amour, non, j'ai mon Doux chéri pour cela, mais je l'ai aimé en tant qu'être humain un peu paumé, qui se perd chez ses voisins qui finissent par lui indiquer le chemin de sa vie. L'écriture, même si très oralisée, sonnait plus juste, l'histoire et ses réflexions aussi. J'ai même versé ma petite larme à la fin. Yann aurait mérité que ce volume ne soit qu'à lui, et ne pas avoir à le partager avec sa voisine insipide. 

dimanche 17 août 2014

Rien ne va plus, Douglas Kennedy

Cela fait plus de dix ans que David Armitage, aspirant scénariste à Hollywood, rame, attiré irrésistiblement par le mirage de la célébrité. Dix ans de galères qui ont eu raison des rêves d'actrice de sa femme Lucy. Dix longues années qui ont dégradé leur relation, seulement égayée par la présence de la petite Caitlin... Mais, alors qu'il est sur le point de perdre tout espoir, le miracle se produit : un de ses scénarios est acheté par une chaîne de télévision. Le succès immédiat de la série fait de lui un homme riche et envié. Alors que sa nouvelle vie le comble, David, abusé par les promesses mirobolantes, va découvrir que la gloire est souvent éphémère

Le problème avec quelque chose qu'on a beaucoup aimé, c'est que quand on en abuse, on est vite écoeuré, et qu'ensuite, on ne l'apprécie plus à sa juste valeur. Un peu comme le chocolat.

J'avais adoré la lecture de L'homme qui voulait vivre sa vie, et comme je suis un brin obsessionnelle, j'ai embrayé tout de suite sur un autre Kennedy. Je n'aurais pas dû. J'aurais dû attendre un peu. 

Les similitudes avec L'homme qui voulait vivre sa viel m'ont tout de suite sauté aux yeux, tant sur le fond que sur la forme, et ce qui m'avait enchanté m'a légèrement agacée.

Le narrateur, encore un homme un peu perdu, vit une vie qui l'étouffe en quête d'un succès qu'il désire ardemment. Et ce succès arrive, et il le grise... Et tout dérape. Pendant toute la première moitié du roman, ce schéma classique m'a presque fait regretter de l'avoir sorti de ma PAL. Ce n'était pas vraiment le bon moment, je n'étais pas sensible à ce récit trop répétitif à mon goût.

Mais je dois reconnaître une chose, Kennedy a le talent de susciter la curiosité, car même si les évidences m'énervaient, j'ai été incapable de lâcher ce roman, et passée cette première moitié, j'ai même été agréablement surprise par la tournure des évènements, et j'ai voulu en savoir plus, cessant de soupirer à cause de ce que je considérais comme du "déjà vu".

Et finalement, je suis seule responsable de mon désenchantement initial. J'aurais dû attendre... Laisser l'oubli oeuvrer, pour savourer cette écriture mordante et diablement efficace...

jeudi 7 août 2014

Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Stefan Zweig

Scandale dans une pension de famille "comme il faut", sur la Côte d'Azur du début du siècle: Mme Henriette, la femme d'un de ses clients, s'est enfuie avec un jeune homme qui pourtant n'avait passé là qu'une journée...

Seul le narrateur tente de comprendre cette "créature sans moralité", avec l'aide inattendue d'une vieille dame anglaise très distinguée, qui lui expliquera quels feux mal éteints cette aventure a ranimé chez la fugitive.

Je préfère vous murmurer cette chronique de peur que les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-terre-du-ciel-et-de-la-mer m'entendent. Ils seraient capable de mettre ce roman (ou nouvelle selon certains) sur la liste-noire-des-livres-interdits, et ce serait un comble, du Stefen Szeig sur une liste noire....

Si une fraction de seconde peut changer une vie, imaginez ce qui peut se passer en vingt-quatre heures. Vingt-quatre heures, une accumulation de décisions, réfléchies ou non, qui peuvent changer irrémédiablement votre destin et ce que vous êtes.

Prenant le prétexte de la fuite de Mme Henriette avec un jeune homme, Stefen Zweig nous livre le portrait d'une femme bien sous tous rapports, enfin presque. Parce que, nous le savons bien, vingt-quatre heures peuvent tout changer et nul n'est parfait... C'est la confession au narrateur de cette vieille dame anglaise distinguée et respectée de tous que nous entendrons / lirons, nous poussant de la sorte à mener une véritable réflexion sur ce que nous sommes, sur ce que la société nous impose et sur le regard que nous portons sur les autres.

Quelle intensité dans ce récit... Quel feu qui brûle dans les entrailles de cette femme prête à tout pour changer une vie puis pour changer de vie... Vingt-quatre heures saisissantes où l'on prend décisions sur décisions et où tout est remis en question sous les flammes de passions ardentes.


Oui, je préfère vous murmurer cela, parce que sinon, je suis bonne pour me confesser une nouvelle fois, et je n'ai pas de coussin assez gros pour protéger mes genoux...

dimanche 3 août 2014

Insatiable, S.C. Stephens

Kiera a enfin fait son choix et a quitté Denny. Kellan et elle forment désormais un véritable couple, mais leur vie ne sera pas pour autant un long fleuve tranquille. Car l'histoire se répète : en effet, alors que Kiera et Kellan s'étaient rapprochés à l'occasion de l'absence de Denny, c'est maintenant au tour de Kellan de laisser seule la fragile Kiera. Son groupe a décroché une tournée et le très sexy chanteur des D-Bags doit donc s'absenter. Kiera devra tirer les enseignements de ses erreurs passées et prendre de l'assurance ; Kellan, lui, devra apprendre à se confier ; bref le jeune couple devra se faire confiance. Et leur relation étant née dans la trahison, cela ne s'annonce pas facile ! Y parviendront-ils ? Un parcours vers l'âge adulte plein de sensibilité, de sensualité et non dénué d’humour.
Avertissement: « Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite ».

Pour mémo: Episode 1 , Episode 2


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Les rues défilent à travers les vitres du taxi qui me conduit vers ma rédemption. Il s’arrête devant un bâtiment dont la façade a dû être refaite récemment. Le ciel est déjà bas ce soir, mais je distingue nettement la librairie qui se dresse à ses côtés. Les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-terre-du-ciel-et-de-la-mer ont un drôle d'humour. Le diable qui fraye avec les anges. J’ouvre la porte et attends patiemment que le chauffeur me rende ma monnaie, l’équivalent du prix d’un livre, ce n’est pas rien.
Je pousse la porte en bois massif qui donne sur un long couloir où trône une galerie de portraits brandissant fièrement un insigne, celui de l’Abstinence Livresque. Ils l’ont fait, ils s’en sont sortis. Moi aussi je peux, il suffit que je m’en convainque. Moi aussi j’aurai mon portrait et mon insigne, et je serai là, au milieu de tous ces héros.
J’arrive dans une salle de taille moyenne, au centre de laquelle sont disposées des chaises en cercle. La lumière semble avoir été placée là uniquement pour illuminer cette ronde, pâle imitation d’un jeu télévisé. Par acquis de conscience, je balaie la pièce du regard pour repérer les caméras de télévisions. Connaissant les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-terre-du-ciel-et-de-la-mer, cela ne serait pas vraiment étonnant.
Un raclement de gorge me sort de ma méditation. Une femme rousse au physique d’hôtesse d’accueil avec son tailleur bleu cintré et ses cheveux tirés en arrière me lance un sourire qui se veut bienveillant mais dans lequel je sens poindre une once d’irritation. Je me garde de faire le moindre commentaire. J’ai un peu de retard, et j’ai horreur d’être en retard. On attire obligatoirement tous les regards. J’aurais dû partir plus tôt.
Mes mains sont moites, et j’essaie de les essuyer discrètement sur la petite jupe plissée  ridicule que j’ai mise pour donner une bonne image. Cela ne sert à rien. J’espère que personne n’aura la bonne idée de me serrer la main. « La-fille-en-retard-et-aux-mains-moites », il y a mieux pour marquer les esprits.
Je gagne la chaise vide presque sur la pointe des pieds, évitant du mieux que je le peux de faire claquer mes talons sur le carrelage. Je dois avoir la démarche d’un canard. J’aurais bien aimé pouvoir me métamorphoser en souris, là, maintenant, tout de suite pour m’engouffrer dans un trou. Mais je suis sûre que Les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-terre-du-ciel-et-de-la-mer ont bouché tous les trous dans le mur. Il n’y a pas d’issue possible, ils ont pensé à tout.
La dame-hôtesse-d’accueil me fait un grand sourire. Elle devrait songer à se reconvertir et à tourner des pub pour le dentifrice. Je n’aime pas son sourire. Pas assez vrai.
- Bienvenue Livre-vie.
Bon ben c’est raté pour l’anonymat.
Le badge qui orne mon chemisier blanc me rappelle combien il était illusoire de croire que j’allais pouvoir m’assoir, écouter sagement, acquiescer en affichant un air concentré, et repartir. Non, les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-terre-du-ciel-et-de-la-mer sont bien trop retors pour ça, et je suis une récidiviste.
- Bon, nous allons pouvoir commencer, poursuit-elle. 
Son ton est plus sec qu’aimable, comme si le naturel revenait au galop. Je l’imagine un instant avec un uniforme de l’armée. Je contiens mon sourire, il aurait été malvenu.
Elle fait un signe de tête à ma voisine, le spectacle peut commencer.
- Bonjour, je m’appelle Melliane, je suis livres-addict.
- Bonjour, je m’appelle Johanne, je suis livres-addict.
- Bonjour, je m’appelle Chat du Cheshire, je suis livres-addict.
C’est à mon tour. Tous les visages sont tournés vers moi, plein d’espoir. J’ai la voix qui tremble.
- Bonjour, je m’appelle livre-vie… 
Je marque une pause, ces fichus mots refusent de sortir. Je tente de m’éclaircir la voix en me raclant la gorge. Peine perdue. Je serre les poings sous le coup de la frustration, cela avait l’air tellement facile pour les autres. Heureusement que je me ronge les ongles, sinon j’aurais les paumes en sang.
Des gouttes de sueur naissent sur mon front. Je ferme les yeux très fort, peut-être qu’en les ouvrant, je me serai transportée ailleurs. Je les ouvre. Je suis toujours là sur ce siège trop dur. Il n’y a que dans les livres que ça fonctionne. J’adresse un petit sourire à la Dame rousse, les petits sourires sont la clé normalement pour esquiver. Elle attend patiemment sans se départir de son sourire qui me menace silencieusement. « Nous avons les moyens de vous faire parler ». Je pousse un long soupir et je sens mes épaules s’affaisser.
- Je suis livres-addict.
Ça y est, l’air entre de nouveau dans mes poumons. Bon, je dois dire que je suis un peu déçue, je m’attendais au moins à une « ola » de félicitations, mais non… rien…
- L’acceptation est le premier pas vers la guérison.
D’accord, mais quand même… Une petite banderole avec « Bravo !! » écrit dessus n’aurait pas été de refus.
- Parle-nous de ta dernière rechute.
J’envisage un instant de me cacher sous mon siège mais tous ces yeux braqués sur moi me dissuadent d’esquisser le moindre geste. A la place, je me tords les mains dans un ballet frénétique. Je n’aime pas parler de mes pêchés inavouables, ils ne sont pas inavouables pour rien.
D’une voix balbutiante, je commence. Plus vite j’aurai parlé, plus vite je serai dehors. La résistance ne sert à rien, la Dame-Générale-en-chef n’est pas une rigolote derrière ses faux airs d’hôtesse d’accueil.
- C’était Insatiable de S.C. Stephens, et c’était bien, vraiment bien.
Grand soupir de Johanne à côté de moi.
- Oh oui, c’était bien.
- Johanne, la réprimande la Dame-Rousse-Générale-en-chef tandis qu’elle replace dans son chignon une mèche qui s’était échappée.
Johanne baisse la tête, mais j’ai bien vu son petit sourire en coin, on fait partie de la même équipe.
- Le premier tome était déjà sympa, mais Kiera était un peu tête à claques, et le triangle amoureux était à la limite du politiquement correct. Mais dans le tome 2, a relation de Kiera et Kellan est sérieuse. - je laisse mes yeux naviguer sur les vagues du rêve -, et ils doivent apprendre à se faire confiance. Et c’est difficile quand on a leur passé et leur futur proche, vraiment difficile.
Je me carre dans ma chaise du mieux que je peux. Elle n’est vraiment pas confortable. Si je reviens, il faudra que je pense à apporter un coussin, je vais avoir des bleus aux fesses moi.
- Mais le couple évolue, Kiera évolue, elle a grandi, et elle assume ses choix. Ils ont toujours leurs démons intérieurs, mais ils s’aiment.
Avec la manche de mon chemisier j’essuie la sueur qui commence à dévaler l’arête de mon nez. Des colibris font frémir mon petit cœur dans le tumulte d’émotions que me renvoie cette simple évocation.
- Et l’auteur est très douée pour transmettre les différents stades de tensions – amour, colère, sexe - … Ahh, la scène de la salle de bain… et celle du bus… et la toute dernière…
Je me prends la tête entre les mains, et appuie mes coudes sur mes genoux.
- Et le tome 3 ne sort qu’en septembre…
Johanne me met la main sur l’épaule dans un geste qui se veut réconfortant. 
- T’inquiète, il y en a d’autres du même genre.
La Générale-en-chef nous foudroie du regard. C’est à son tour de pousser un long soupir.
- Nous avons beaucoup travail à faire pour que vous puissiez mériter vos insignes. Les dieux ne vont pas être contents du tout…  



samedi 2 août 2014

L’homme qui voulait vivre sa vie, Douglas Kennedy



Aux États-Unis, de nos jours. Ben Bradford a réussi. La trentaine, avocat compétent, un beau poste dans l'un des plus grands cabinets de Wall Street, un salaire à l'avenant, une femme et deux fils tout droit sortis d'un catalogue Gap. Sauf que cette vie, Ben la déteste. Il a toujours rêvé d'être photographe, et son couple part à vau-l'eau. Quand il découvre que sa femme a une liaison avec un mauvais photographe, il est dévasté. Il va chez l'amant et...

Une fraction de seconde, une toute petite fraction de seconde peut faire basculer une vie. D’un côté ou de l’autre.

Et si finalement c’était un mal pour un bien, la porte ouverte vers ce à quoi on aspire ?

Ben Bradford fait l’expérience de cette fraction de seconde qui échappe à notre contrôle et le met sur la route de la vie qu’il désirait. Mais tout acte à des conséquences, et échapper à son passé n'est pas chose aisée.

Il y a bien longtemps, j’avais lu Cul de sac de Douglas Kennedy, et j’en garde un excellent souvenir, celui d’un page-turner qui m’avait poussée à boucler ma lecture en un rien de temps.

Malheureusement, alors que je m’étais promis de lire autre chose de lui, je l’avais enfermé dans un tiroir de ma mémoire, me disant régulièrement qu’il fallait que j'y revienne mais ne trouvant jamais le bon moment. Et l’occasion s’est présentée, et elle se représentera sous peu. J’ai adoré ce roman !

L’écriture  nous emmène dans cette course effrénée vers une nouvelle vie. Le début a l’amertume de cette vie qui étouffe Ben Bradford, la suite la vivacité de l’espoir. Ses émotions sont palpables, elles vibrent à travers ces mots, à travers ces situations rocambolesques qui insufflent au roman un rythme qui m’a fait le dévorer.

Ben n’est pas un personnage réellement attachant, mais il est tellement facile de s’identifier à lui. Tout comme à sa femme… Tout comme à Gary…

Et là réside la force de Douglas Kennedy : il a réussi à me faire passer de la tristesse à l’euphorie, de l’angoisse à l’attendrissement en quelques petites pages à peine. Il est vraiment fort…