mardi 28 octobre 2014

Lettres écarlates, tome 1 de la saga Meg Corbyn, Anne Bishop



Meg Corbyn est une cassandra sangue, une prophétesse du sang, capable de prédire l’avenir lorsqu’elle s’incise la peau. Une malédiction qui lui a valu d’être traitée comme de la viande par des hommes sans scrupules prêts à la taillader pour s’enrichir. Mais aussi un don qui lui a permis de s’échapper et va la pousser à chercher refuge chez les Autres. Là où les lois humaines ne s’appliquent pas. Même si elle sait, grâce à cette vision, que Simon Wolfgard causera également sa perte. Car si le chef des loups est d’abord intrigué par cette humaine intrépide, peu de choses la séparent d’une simple proie à ses yeux...

Avertissement: « Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite »

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    Le froid qui hante ces soirées d’octobre me mord les joues. Je n’ai pas osé mettre mon bonnet bleu, la laine me donne envie de me gratter la tête et je ne voudrais pas que les autres se fassent des idées. J’ai ramené mes mains sur mes genoux, et je me tortille sur le banc : le bois est inconfortable, et je sens la crampe monter dans ma fesse gauche.
    Melliane se tient à mes côtés, son écharpe sombre enveloppant son cou. Ses joues sont rougies par le vent. Derrière nous clignote l'enseigne des Livres-addicts anonymes. Le temps presse, nous avons déjà quelques minutes de retard.

-On est mal…. Vraiment très mal…
-Je sais, répond-elle d’un air compatissant.
-Nan, mais c’est vrai. Si la bit-lit rentre dans les critères de la liste-noire-des-livres-interdits, où va-t-on ?

    Je pousse un long soupir désespéré tandis que Melliane me tapote gentiment le bras.

-Je te l’avais dit…
-Je sais…, bougonné-je.

    Je ne peux m’empêcher d’ajouter en soupirant encore plus fort :

-Mais quand même…. Qu’est-ce qu’il est bien ce tome 1… De l’Urban Fantasy, de la vraie, et de qualité. Un univers original, vraiment bien pensé, haut en détails et couleurs. Des personnages variés, étoffés, qui n’ont rien à voir avec ce que j’ai pu lire avant, un peu comme si l'auteure réécrivait les mythes. Une histoire qui se construit doucement, sans être ennuyeuse. Elle pose les jalons de ce qui viendra après, nous laissant le soin de nous approprier son monde. Des relations progressives, qui vont de la méfiance à la confiance et dans lesquelles le sexe n’est pas un élément central. Rien que pour cela, rien que pour ce récit qui se façonne sur autre chose qu’une relation amoureuse, ce tome 1 mériterait une médaille…

-Ah mais il y a Meg et Simon, hein, me coupe Melliane en fronçant les sourcils. Parce que Simon il est….

    Je ne la laisse pas terminer, et acquiesce avec emphase.

-Oh oui, il est…
-Et Meg, elle est bien elle-aussi…
-Oui, elle est vraiment bien. Pas du tout tête à claques, une héroïne toute mignonnette… Mais avec ses démons…

    Un long silence s’installe entre nous. Je revis intérieurement les moments forts de ce tome 1, et au petit sourire qu’affiche Melliane je devine qu’elle en fait de même.

-Bon, on fait quoi ?

    Elle secoue la tête d’un air navré.

-Je ne sais pas…
-Je ne peux pas en parler pendant la réunion de ce soir.

    Je suis résolue, non, ce n’est pas possible.

-Ah ça non, la Cerbère-Rousse va le brûler. Il faut garder le secret, rétorque-t-elle.
-Oui, il faut garder le secret.

    De nouveau le silence. 

-Tu ne peux pas le mettre là où tu as mis la trilogie Thoughtless ?

    Je réprime un frisson en me levant et machinalement, je me frotte la fesse droite qui porte encore le souvenir de cette rencontre avec ses cornes.

-Ben, il y a un taureau…
-Tu n’auras qu’à courir vite alors…, répond-t-elle en haussant les épaules.

    Mais elle croit que je m’appelle Usain Bolt ou quoi ? 

PS : Et pour les petits curieux, je vous invite à aller lire la chronique de Melliane-la-vilaine-tentatrice sur le tome 2 !

mardi 21 octobre 2014

L'océan au bout du chemin, Neil Gaiman

De retour dans le village de sa jeunesse, un homme se remémore les événements survenus l'année de ses sept ans. Un suicide dans une voiture volée. L'obscurité qui monte. Et Lettie, la jeune voisine, qui soutient que la mare au bout du chemin est un océan...

Et si la mare aux canards de mon enfance était en réalité un océan ? Un océan qui, si je le lui avais demandé poliment, aurait accepté de se glisser dans un seau d'eau. Un océan dans lequel j'aurais pu entrer rien qu'en mettant les pieds dans ce fameux seau. Un océan dans lequel j'aurais pu respirer, sans tuba ni bouteille, et dans lequel chaque infime parcelle de moi aurait existé.

Un décès est souvent l'occasion de revenir sur les lieux de son enfance. Et de se souvenir. Le narrateur se souvient de l'année de ses sept ans, et les histoires qui ont peuplé sa réalité ressurgissent.

Neil Gaiman crée un univers où les contes et l'onirisme dansent avec le réel. Véritable conte pour adultes, L'océan au bout du chemin m'a fait prisonnière de ses gouttelettes et la maison des Hempstock et la jeune Lettie m'ont envoûtée.

J'ai revécu l'expérience des contes de mon enfance dans ce retour vers le passé. Dans les ombres de ma lampe de chevet, j'ai vu ces Puces et ces Nettoyeurs qui auraient parfaitement pu ponctué mes cauchemars d'antan. 

Cette lecture, qui a fait affleurer mes propres souvenirs et les histoires qui peuplaient ma réalité toute enfantine. Ma propre mare aux canards, le Lac aux fées, le calvaire, autant d'endroits chargés d'histoires irréelles. Ma réalité.

Au-delà de l'originalité de l'univers qu'il recrée, il faut avouer que l'auteur a un vrai talent de conteur qui vous prend dans les filets des mots. Ne manquait que sa voix pour me raconter son histoire, soir après soir, pour retrouver cette tradition orale du conte dont il s'inspire.

Une superbe découverte grâce à cette Masse Critique privilégiée de Babelio. Merci aux éditions Au Diable Vauvert pour ce retour dans le temps.

lundi 20 octobre 2014

Requiem pour Sascha, Tome 1 Lacrimosa, Alice Scarling

Sous ses apparences de jeune femme bien dans sa peau, Sascha dissimule de lourds secrets. Orpheline, elle ignore tout de ses origines et surtout d'où lui vient son pouvoir étrange : elle peut posséder les gens d'un simple contact, qui lui suffit à échanger de corps. Elle s'en sert pour voler et traquer les vampires qui ont massacré sa famille adoptive. Jusqu au jour où elle rencontre Raphaël. Immunisé à son pouvoir (et à ses charmes), le mystérieux jeune homme va lui donner les moyens de sa vengeance... au risque de la conduire à sa perte.

Cela fait bien longtemps que je n'ai pas lu de bit-lit ou autre urban fantasy. L'envie s'était envolée. De temps en temps un petit Psi Changeling, mais rien de plus... J'étais sans doute un peu lassée des vampires, loups garous et autres êtres étranges.

Et puis sans savoir pourquoi, elle m'est revenue. J'avais acheté Requiem pour Sascha d'occasion, je ne perdais pas grand-chose si l'ouvrage était mauvais. A l'époque, je n'avais fait aucune recherche dessus. La couverture m'avait plu, le titre aussi. Le moment arrivé, je l'ai tiré de mon étagère.

Si l'on parcourt le web, on va trouver bon nombre de critiques assassines sur ce roman. Je les comprends, mais ne les partage pas complètement.

La première partie du roman m'a interpelée. Sans être originale, -et malgré un langage, je dois bien le reconnaître, parfois un peu trop  relâché- la voûte de l'histoire est intéressante, et le personnage de Sascha, qui plie l'échine sous le poids de son fardeau, plutôt attachant (même si des claques se perdent parfois). Les personnages secondaires auraient gagné à être approfondis, certes, mais cela passe.

La deuxième partie, par contre, m'a semblé beaucoup trop rapide. L'idée est sympa, le personnage de Raphaël aurait pu être envoûtant, mais tout va beaucoup trop vite. Sauf les scènes de sexe qui sont parfois trop longues, elles... L'intrigue aurait gagné à être développée davantage, à être creusée, j'ai eu l'impression de passer à côté de certains détails qui auraient été autant de clés à ma bonne compréhension des évènements. Davantage de tension dramatique n'aurait pas été de refus, plutôt que les hormones de Sascha qui dansent la Bachata. 

Malgré tous ces bémols, je ne peux pas dire que je sois déçue ou mitigée, non. Ce premier tome a bon nombre de défauts, mais il a surtout une qualité, et pas des moindres. Il m'a donné envie de relire de la bit-lit (et même de lire le tome 2). Pas pour effacer ce que je viens de lire, mais parce qu'il a su m'immerger dans son univers. Et c'est déjà une grande réussite... 

mercredi 15 octobre 2014

Balade pour un père oublié, Jean Teulé

Un jeune " clappeur " – celui qui, dans les émissions de télévision, invite le public à rire, applaudir ou se lever – est soudain pris d'un gros coup de blues. Il estime que sa vie n'a plus de sens et qu'il doit aller vérifier ce que pensent de lui toutes les femmes qui ont compté dans sa vie. Le drame est que ces femmes ne se souviennent pas de lui. La star qui lui a souri si gentiment à l'entrée du studio le fait expulser par ses gardes du corps dès qu'il veut lui adresser la parole ; la voisine qu'il a gentiment aidée la semaine précédente menace d'appeler la police s'il continue à l'importuner ; la prostituée avec qui il a passé un si délicieux moment trois ans plus tôt à Amsterdam prétend ne l'avoir jamais vu de sa vie. Une dizaine de femmes vont ainsi lui faire subir les pires avanies...

Une erreur est à l'origine de ma plongée dans ce roman, mais une erreur que je ne regrette pas. Je ne sais pas pourquoi, il y a quelques mois, en faisant mon marché dans la librairie de livres d'occasion que j'affectionne tant, alors que je cliquais sur le bouton « acheter », j'étais convaincue que ce roman évoquait la vie de J. Teulé. Le titre sans doute. Je n'avais même pas pris la peine de lire le résumé, savoir que c'était du J. Teulé me suffisait. Il y a quelques jours, en le prenant sur l'étagère, la question de lire le résumé ne m'a pas effleuré l'esprit. "A quoi bon? Il s'agissait bien sûr une autobiographie". mon cerveau a parfois des ratés...

Dès les premières pages mon erreur me saute aux yeux, ce n'est absolument pas autobiographique, et c'est tant mieux finalement. Je n'aime pas vraiment les autobiographies (paradoxe quand tu nous tiens, mais pourquoi choisir un ouvrage pour lequel on est convaincue que c'en est une ? Les mystères d'une vie livresque...)

Alors je m'immerge à pieds joints dans l'univers décalé de l'auteur, et retrouve les premières touches (ce roman a été publié en 1995) de ce que j'aime tant chez lui. Un réel talent pour les portraits (ces dix femmes sont vraiment très touchantes, tout comme William, ce héros un peu fou à la candeur toute enfantine), un humour décalé où le burlesque côtoie le réel, des scènettes que l'on croirait tirées du théâtre de Guignol mais qui s'enchaînent parfaitement dans cette quête éperdue de la femme qui se souviendra de son vrai nom. Peur de l'oubli quand tu nous tiens.

Comme d'habitude, avec Jean Teulé, j'ai savouré chaque mot, j'ai aimé ce William que d'autres auraient rendu détestable, et j'ai même ressenti de la compassion pour lui. Parce qu'après tout, on a tous peur de l'oubli...

samedi 4 octobre 2014

Intrépide, Trilogie Thoughtless (tome 3), S.C. Stephens



Les D-Bags vivent une véritable success story qui ne va pas sans causer des problèmes dans la vie de couple du si sexy chanteur du groupe. L’amour de Kiera et Kellan pourra-t-il résister aux pressions constantes que leur inflige le star system ? Un producteur plus ou moins véreux, une ancienne pop star qui cherche à utiliser leur célébrité et des médias qui relayent de fausses rumeurs : autant d’obstacles qu’ils devront traverser ensemble. Heureusement ils peuvent compter sur l’amitié et les liens quasi familiaux qu’ils ont créés avec les autres membres du groupe qui les aideront à traverser ce raz de marée médiatique. Le succès a toujours un prix. Quel sera-t-il pour Kiera et Kellan ?

Avertissement: « Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite »

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Je m’engage sur le chemin de terre en pressant un bouton minuscule sur le côté de ma montre. Le cadran s’illumine et affiche minuit passé. J’adore ce gadget. J’aurais pu utiliser la lampe torche de mon téléphone dont je me sers d’ailleurs pour m’orienter dans l’obscurité environnante, mais j’adore vraiment ce bouton, il me donne l’impression d’être un agent secret. J’étouffe le rire qui est en train de naître dans ma gorge. Je le suis un peu ce soir, agent secret...

Mon bonnet manque de tomber encore une fois, et je le remets en place en tirant de chaque côté. Il est un peu petit, et sa laine bleue ciel me gratte. C’est celui que ma grand-mère m’a tricoté quand j’avais 6 ans. J’ai composé ma tenue à la hâte ce soir, et je n’avais pas d’autre couvre-chef à ma disposition, hormis un vieux chapeau de cowboy, mais j’aurais été franchement ridicule, et surtout, il n’aurait pas maintenu l’écharpe qui me sert de cagoule en place. J’ai découpé deux trous pour les yeux dans l'étole rose, et je l’ai nouée derrière ma tête. Impossible de me reconnaître, j’en suis convaincue. Mais j'aurais dû penser à faire un trou pour le nez. J'ai un peu de mal à respirer.

Pour ma mission de ce soir, je devais être discrète, et j’ai bien retenu la leçon de Gilles Legardinier dans Demain j'arrête. Le bonnet péruvien n’est pas l’accessoire sur lequel miser lorsque l’on veut passer inaperçue, même si je ne suis pas sûre que les vaches en aient quelque chose à faire de ma tenue. Mais sait-on jamais? Les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-terre-et-de-la-mer ont des espions partout.

Je passe entre deux fils barbelés, mon précieux paquet pressé tout contre moi. Je l’ai fait tenir tout autour de ma taille avec du gros scotch. Il ne contient pas moins de trois livres, des gros en plus, et je ne voulais pas les perdre. J’entends un crac qui ne me dit rien qui vaille, sans savoir si c’est ma veste ou mon pantalon qui a été attaqué par le barbelé. Peut-être les deux d’ailleurs. Ce n’est pas grave. Je dois sauver ces ouvrages et empêcher qu’ils apparaissent sur la liste-noire-des-livres-interdits, et il y a toujours des sacrifices à faire pour toute grande cause.

Parce que même le dernier tome de cette trilogie vaut la peine, oh oui… Certes, il y a moins de tensions entre Kiera et Kellan qui ont appris à se faire confiance, mais l’amour et la passion sont toujours au rendez-vous. Que voulez-vous, je suis une sentimentale, et j’ai aimé leur histoire… Oui, même ce dernier tome, qui, s’il ne m’a transportée comme les autres, clôt leur histoire d’amour sans me laisser un goût d’inachevé. Et  j’ai été heureuse de les retrouver, de suivre encore une fois la plume de l’auteure qui a tellement bien su leur donner vie, et qui a donné aux personnages secondaires tels qu’Anna et Griffin une place plus importante qui n’a pas été pour me déplaire. Le tome de la maturité sous le signe de l’Amour, un tome que j'ai refermé avec regrets, leur histoire est maintenant finie. Alors je dois le protéger, tout comme les tomes un et deux.

En slalomant entre les bouses qu'ont laissées les occupantes du pré, j’arrive près du marronnier qui trône en son centre. J’y ai vu un signe, parce qu’enfant, les marrons étaient mes armes favorites pour protéger les canetons de la « mare aux canards » des rats qui voulaient en faire leur casse-croûte. Pendant que ma grand-mère me préparait mon goûter au Kiri, j’ai appris à bien viser. Il n’y a pas beaucoup de marronniers par ici, un signe je vous dis.

« Note pour la prochaine fois : penser à prendre une pelle ».

La terre est dure sous mes doigts, et le trou doit être profond. Mais je persiste, et après avoir déposé le paquetage au fond, je le recouvre du mieux que je peux. Pendant tout ce temps, j’ai bloqué mes pensées. Tâche ardue quand on me connait. Mais je ne veux surtout pas me faire repérer.

Un meuglement sourd retentit derrière moi. Je me retourne lentement. Enfin non, c’est dans les romans que les héros se retournent lentement. Pas dans la vraie vie. Je me retourne tellement vite que je manque de tomber. Un énorme taureau charolais se tient à quelques mètres de moi, et me regarde fixement. 

Je suis repérée…


PS : et aux mauvaises langues qui me diraient que j’ai rompu mes vœux de non-achats livresques, je répondrai que non ! C’était une pré-commande !! Forte je suis et forte je resterai !